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La mer des tentations
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Une mer de tentations submerge le monde, et l’humanité nage à l’envi dans les eaux saumâtres et pestilentielles des plaisirs à saisir dans un engouement qui frise la folie. Chacun s’y ébat avec délectation, avec jalousie à l’égard de ceux qui jouissent beaucoup plus des objets multiformes du plaisir: argent, sexe, [article protégé par mot de passe], dominations, pouvoirs, luxe et luxure.
La tentation par le biais de la publicité, son âme damnée, avec sa flèche ténébreuse qui incite-excite sans cesse le réseau social de la consommation. La tentation électrise tout, galvanise tout. Dans les entreprises, elle se diffuse comme un poison dans l’eau, son nom: la croissance, avec ses objectifs pour une quête matérialiste constante du “toujours plus”, avec ses outils combatifs: objectifs commerciaux, manipulations, promesses, mensonges, séductions, images télévisuelles numérisées.
Dans le quotidien des gens, elle crée une tension constante pour le désirable que possède l’autre, ajuste les comportements des uns pour ressembler aux images colportées par d’autres. Elle est abrutissement, car la tentation est la reine du nivellement par le bas.
Asseyons-nous, un instant, à la terrasse d’un café pour y voir défiler la foule. Elle se déplace comme un seul homme, conditionnée par son téléphone et son style vestimentaire américanisé, ghettoïsé. La tentation est au centre des échanges et des discussions, il y a toujours quelqu’un à jalouser ou à déblatérer, quelque chose de quelconque à désirer ou à moquer.
La tentation enlise les âmes humaines dans le mouroir des illusions matérielles où se construit désormais la grande motivation existentielle. Elle domine aussi l’éducation, en servant à nourrir le corps enseignant: «Étudiez, il n’y a que de cette façon que vous réussirez dans la vie!».
À cet effet, la tentation exige le formatage et la reproduction des contenus, la compilation incessante des savoirs. Elle pousse à l’accumulation indigeste de connaissances jusqu’à nourrir l’idée ténébreuse que sans diplôme la vie ne vaut pas d’être vécue.
Elle construit une idéologie selon laquelle l’intellect est le roi de la vie et du progrès technique et moral. Elle fait aduler le cerveau en assurant aux humains qu’ils ont encore beaucoup à puiser en lui. Pire encore, la tentation a enflé jusqu’au craquement la vanité des hommes qui vouent un culte au cerveau. Ils en ont fait une idole, le point culminant de leur existence.
La tentation est redoutablement traitresse car elle occulte la verticalité de l’existence au profit exclusif de l’horizontalité de celle-ci, afin d’asseoir son pouvoir et maintenir les humains sous sa coupe.
Afin de bien saisir ce qui va suivre, voici une référence universelle, présente dans toutes les cultures depuis la nuit des temps: la croix à branches égales qui symbolise les lois de la vie spirituelle. Elle est composée de deux axes égaux, l’un vertical qui porte en lui les valeurs de l’élévation intérieure et de la foi en la Force supérieure, l’autre horizontal contient la dynamique morale des échanges et des relations humaines. Chacun des axes est censé équilibrer l’autre.
Un axe vient-il à se déformer, qu’il déséquilibre le tout jusqu’à le pervertir. Alors survient irrémédiablement le désordre; suivi du chaos.
Le sexe est l’exemple excellent de ce désordre, mais il est bien loin d’être le seul. Les innombrables files de caddies pleins de produits alimentaires et non alimentaires dans les magasins hypers, supers, trace des sillons invisibles de l’horizontalité obèse. La quête sans cesse répétée des loisirs avec leurs queues d’attente pour voir des spectacles, la quête des vacances avec ses files de voitures tendues à l’extrême sur des centaines de kilomètres bloquant les autoroutes sont encore un exemple de cette horizontalité déformée de la vie humaine.
Les millions, les milliards sans doute, d’heures passées devant les téléphones, les ordinateurs et les téléviseurs altèrent d’autant l’horizontalité de l’existence. Il est encore bien d’autres exemples de la vie rampante de l’humanité. Celle-ci est semblable au serpent, elle ne sait plus que ramper et faire ramper l’âme humaine dans la fange des désirs, dans la satisfaction éphémère des plaisirs, dans leurs renouvellements constants jusqu’aux addictions totalitaires.
La tentation nourrit le monde du désir de matière, en particulier de sa chair devenue le seul élément vivant pour des millions et des millions de gens dont l’intuition est éteinte. Et ces gens aiment leur corps plus que tout, ils savent pourtant; grâce à l’école et à la télévision; que leurs cellules vieillissent et meurent au quotidien, certes, elles se renouvellent, mais peu à peu, elles laissent la place à des cellules obsolescentes, moins toniques, moins belles.
Ces gens sont ainsi obligés de reconnaître que leurs corps vieillissent – non, pardon, qu’eux-mêmes vieillissent, puisqu’ils se croient strictement matière –. Les maladies surviennent, ici et là, rarement, ponctuellement, durablement, légères ou graves, et pourtant ces personnes-là s’accrochent à une espérance: «L’espoir que la science vienne à bout de la mort (physique, bien sûr)».
La tentation a créé le transhumanisme et le cyborg, et elle cherche maintenant à promouvoir son nouveau produit à la mode, le transgenre. Insérer un cerveau humain dans une boîte cyborgienne fait partie du nouveau fantasme à réaliser. La cible, dans un premier temps, sont les personnalités fortunées.
Et dans un second, on visera la venue d’un prêt-à-porter cyborgien:
extraction du cerveau, élimination du sens des émotions, insertion dans une boîte cervicale mobile (donc avec un corps cyborgien) ou à poste fixe, sur une étagère familiale pour le seul plaisir cognitif. Il y en aura pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Oui, la tentation nous assure de ses belles promesses, ne veut-elle pas nous aider à retrouver le vrai sens de notre vie …?
Mais nous, les personnes du petit nombre de celles qui croient en la vie de l’esprit, nous demeurons confiants, ni super héros de la foi, ni fidèles endormis, nous vivons dans l’Amour de Dieu et de ses Fils, Christ et Esprit Saint. Nous savons qu’au-delà du physique, l’esprit qui nous vient de l’Esprit Saint (1) est le seul vivant qui utilise l’âme et la chair comme véhicules matériels animique et physique pour y vivre des expériences vivantes dans la haute conscience de Dieu et de notre responsabilité spirituelle.
Confiants dans la Lumière et dans la Vérité que Lui prodigue à l’humanité depuis la nuit des temps bien au-delà du temps terrestre. Et vivre ce monde, que nous avons, hélas, contribué à édifier, nous oblige à lutter, mais sans crispation, contre les leurres tentateurs tellement nombreux et si divers afin de parvenir à nous affranchir de la lourdeur des pensées terrestres.
La formulation par l’Église du verset de Luc transmis à la postérité pendant des siècles: «Et ne nous conduis pas dans la tentation» 2 a ouvert les vannes de la déresponsabilisation aux mille visages. L’accusation pensée sinon formulée: «C’est la faute de Dieu si nous en sommes-là!» résulte du magma des attentes et des exigences matérialistes de celles et ceux qui font l’économie d’un examen personnel profondément sincère.
On trouve la même erreur du côté de Paul, l’apôtre de Christ, qui affirma qu’: «Avec la tentation, il [Dieu] vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter.» (3) Dans ce même passage, Paul cherchera même à réconforter ses auditeurs: «Les tentations auxquelles vous avez été exposées ont été à la mesure de l’homme, Dieu est fidèle; il ne permet pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces.».
Les paroles de Paul (si ce sont effectivement les siennes) jettent de manière blasphématoire une vindicte sur Dieu qui se voit accuser d’être responsable des tentations. Certes, Lui fait preuve de miséricorde, puisqu’Il “dose” la tentation de sorte qu’elle n’écrase pas l’homme. Et l’on doit comprendre que chacun de nous possède la capacité de faire face à la tentation. Mais lorsque celle-ci est consommée, reproduite des dizaines de fois, l’espérance de s’en sortir demeure-t-elle encore?
Un malheureux drogué, dévoré par l’addiction, peut-il encore trouver seul les ressources pour se libérer de son poison? C’est peu probable. Mais là intervient le rôle de l’axe horizontal de la Croix qui dit que l’homme peut aider l’homme, et fort heureusement des bénévoles et des professionnels s’activent pour aider, soulager, soigner.
Il fut donc une époque où l’on entendait que Dieu est l’Auteur des tentations des hommes en conséquence de la négation du libre-arbitre, de sa nature, de sa réalité et de ses effets en matière de responsabilité personnelle et des chocs spirituels en retour.
Le monde vit la souffrance et cherche dans la matière, par la matière, à s’en libérer. Jamais elle n’accepte l’idée de l’existence d’une rétroaction de ses propres actes; un jour, plus tard, ailleurs… le Karma! Mais l’accusation contre Dieu n’est même plus à l’ordre du jour puisque la plupart des gens disent ne plus croire en Dieu et ne jamais y penser. La France n’est-elle pas en passe de devenir un hexagone athéolaïc et wokiste?
Le mot karma, teinté d’un pseudo-orientalisme, est entré dans le dictionnaire français du quotidien, et devenu à la mode, il a remplacé, puis occulté, le mot hasard, tout comme le mot génétique a supplanté le mot hérédité. De toutes façons, le hasard n’a jamais bien fait les choses, tout cela est connu, ce n’est donc pas une perte. La réalité du karma est l’effet de la Justice agissante dans ce qu’il était coutume jadis d’appeler les épreuves de la vie.
Pourtant, sur la tentation proprement dite, l’Épître de Jacques exclut clairement toute manifestation de Dieu dans la moindre origine de la tentation: «Que nul, quand il est tenté, ne dise: “Ma tentation vient de Dieu.”. Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne. Chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’entraîne et le séduit. Une fois fécondée, la convoitise enfante le péché, et le péché, arrivé à la maturité, engendre la mort.» 4 Quelle admirable formulation de la responsabilité personnelle! (I Jean III, 6 – II Luc X, 203 – I Corinthiens X, 13.)
Dans les années soixante du vingtième siècle, l’Église entreprit un virage à cent quatre-vingt degrés: le passage du Notre Père: «Et ne nous laissez pas succomber à la tentation» fut remplacé en 1966 par la formulation suivante: «Et ne nous soumets pas à la tentation». Dès cet instant, elle ouvrit toutes grandes les portes des
enfers aux ténèbres, mais cette institution ne s’arrêta pas “en si bon chemin”, en effet, elle passa aussi du vouvoiement respectueux vis-à-vis de Dieu à un tutoiement de proximité et de copinage largement repris ensuite par les adeptes du new-âge, qui firent du Fils de Dieu leur icône amateur de sexe et de drogue.
On comprend pourquoi, Christ porta cette accusation contre ses disciples: «Ainsi vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi! Veillez et priez afin de ne pas sombrer au pouvoir de la tentation.» (5).
C’est un appel à la vigilance et à la lutte des humains de bonne volonté afin qu’ils se dressent contre les leurres tentateurs si nombreux et divers, afin de parvenir à s’affranchir des pensées terrestres plombées. La tentation possède de multiples visages qui poussent à la jouissance unilatérale, qui incitent aux plaisirs dans un imaginaire décomplexé, qui conduit à la déresponsabilisation morale, qui génère une fausse bonne conscience en cultivant le nombre.
Car, plus chacun voit l’autre aller dans le sens de ses propres désirs, plus ce chacun se donne bonne conscience et assurance afin de se laisser à son tour submerger par la tentation. L’action des médias est tout entière orientée dans ce but. Et par la tentation exécutée, l’argent coule à flot, par elle, l’endormissement spirituel est en marche à une vitesse qu’on doit désormais qualifiée d’infernale.
Veillons et prions, car là réside notre seule force pour faire face à l’adversité tentatrice. Et grâce à la veille et à la prière, l’intuition s’éveille, sort de son sommeil pour occuper à nouveau sa place de guetteur dans sa tour spirituelle, prête à alerter de l’imminence d’un danger. L’alerte est un appel à un surcroît de vigilance.
Dès que les effluves de la tentation opèrent sur nous, l’intuition fait tinter la cloche de l’avertissement, la voix intérieure indique la voie à suivre. Alors, l’esprit peut trouver en lui la force d’esquiver la tentation. L’instant surgit où il oriente à nouveau le sens de son histoire spirituelle en colorant d’une autre façon la trame de son karma. Ainsi est l’intuition: la vigie de l’esprit contre la tentation.
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Notes:
1 Jean 3, 6
2 Luc 10, 20
3 1 Corinthiens 10, 1
4 Jacques 1, 13-15, déjà cité.
5 Matthieu 26, 40-4.
Salem YAHI.
2 août 2024.
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