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Mallona – La Sagesse du Roi Muhareb
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Mallona, la « Planète d’Olbers »
Il y avait autrefois une planète qui orbitait entre Mars et Jupiter. Cette planète, appelée Mallona – qui manque aujourd’hui dans notre système solaire selon la loi de Titius et Bode (valable de Mercure à Uranus inclus) -, a jadis explosé. Il n’en subsiste plus de nos jours qu’une ceinture d’astéroïdes, dont le plus gros s’appelle Cérès. C’est l’histoire de la fin de cette planète – dite «planète d’Olbers» (du nom de celui qui, le premier, émit l’hypothèse de son existence passée) (de nos jours il reste une comète portant ce nom) – que nous raconte ce livre fantastique.
Une histoire vraie? L’origine de l’histoire
L’auteur officiel du livre « Mallona » s’appelle Leopold Engel, un écrivain d’origine russe, né à St-Petersbourg et ayant émigré à Dresde. Sans lui nous ne connaîtrions pas l’histoire de Mallona. Mais l’origine du récit provient d’une femme anonyme présentée comme un(e) « métagnome » (personne capable de métagnomie/métagnosie), autrement dit – en langage plus courant – une voyante.
Les visions de la voyante allaient, tout naturellement, en « marche arrière », du plus récent au plus ancien. L’un des travaux rédactionnels de Léopold Engel fut naturellement – afin d’en faciliter la lecture et la compréhension – de remettre le récit dans le bon ordre chronologique…
Oui, dira peut-être plus d’un lecteur, mais comment savoir si le récit de la voyante correspond à la réalité? Il est déjà possible de dire que, de surprenante manière, un célèbre autre voyant en a aussi déjà parlé (voir ci-dessous).
En outre, le talent particulier de cette voyante métagnome a pu – concernant la partie terrestre de ses visions – être vérifié. En effet, le point de départ de l’histoire est un objet, un mystérieux anneau retrouvé enchâssé dans une météorite, un anneau constitué d’un métal inconnu sur Terre.
La voyante avait l’étonnante faculté de pouvoir raconter l’histoire de n’importe quel objet déposé dans ses mains. Or tout ce que la voyante – dont les facultés avaient, de la même manière, auparavant, déjà été éprouvées – a pu dire concernant l’histoire terrestre connue de l’anneau (ses différents propriétaires avant qu’il n’arrive entre ses mains) était juste.
Il n’y a que lorsque les visions ont commencé à concerner le point de départ de l’anneau – c’est-à-dire la planète Mallona – que les vérifications intellectuelles terrestres de genre scientifique n’étaient plus possibles! Mais si tout ce qui a été décrit par elle concernant l’histoire terrestre de l’anneau était juste, cela ne conduit-il pas logiquement à penser et à conclure que tout ce qui a été dit concernant son histoire extra-terrestre était également juste? A ce sujet au lecteur de ressentir et de réfléchir…
Mais même si « Mallona » – ce que nous ne croyons pas – n’était qu’une fiction, sa valeur édifiante en serait à peine amoindrie. Nous avons, en effet, de bonnes raisons de penser (voir la fin du récit) que nombre de Terriens, avant d’être des Terriens, étaient des Malloniens. Des Malloniens qui, par cupidité, désir de vengeance et soif de pouvoir, ont été capables – comble de la bêtise et de l’absurdité! – de faire eux-mêmes sauter leur propre patrie terrestre, leur planète!
Qui peut affirmer que les actuels Terriens, n’ayant rien appris de la catastrophe s’étant déroulé juste avant que le premier couple humain n’apparaisse sur la Terre ne sont pas capables de recommencer? A l’époque de la bombe atomique le karma qui frappa jadis Mallona et les Malloniens ne menace-t-il pas pareillement, aujourd’hui, la Terre et les Terriens?
Par ailleurs, la dernière phrase du récit a, à l’évidence, une valeur tout à fait prophétique.
Extrait de la Préface de M. Kahir
« Témoignages d’une catastrophe d’une incommensurable ampleur, les débris d’une planète anéantie continuent d’orbiter sans cesse dans notre système solaire, tels des corps cosmiques d’où s’est retirée la vie. Là où, aujourd’hui encore, des nuées d’astéroïdes poursuivent leurs cycles éternels, il dut se produire, à une époque préhistorique, une tragédie sur laquelle est tombé le voile d’un mystère apparemment insondable.
Ce n’est d’abord que par déductions logiques que les astronomes ont pu élaborer une hypothèse relative à un tel événement cosmique. Les traces gigantesques de cet événement ne commencèrent en effet à émerger de la nuit que lorsque la photographie astronomique apporta de plus en plus de preuves du bien fondé de la théorie. » (…).
Ce thème est apparu tout d’abord à plusieurs reprises dans l’œuvre d’un mystique autrichien nommé Jakob Lorber, qui, vers le milieu du siècle dernier, reçut par la voie de l’inspiration des messages relatifs à de nombreux mystères de la Création. Dans son œuvre intitulée « Le Grand évangile de Jean », œuvre qui comprend dix volumes, l’on trouve, à plusieurs reprises, des indications au sujet d’une ancienne grande planète de notre système solaire. Cette planète, à la suite des menées d’une humanité techniquement très évoluée, mais devenue moralement foncièrement mauvaise, fut la proie de la folie destructrice de l’humanité qui l’habitait.
Il est en l’occurrence d’un grand intérêt de confronter les indications de Lorber relatives à la constitution de cette planète et les constatations de l’astronomie au sujet des astéroïdes actuellement connus. Lorber écrit entre autre ce qui suit:
«Au début de la sixième période terrestre, cette planète, plus tard anéantie, orbitait, entourée de ses quatre satellites, entre Mars et Jupiter. Au point de vue dimensions, elle était proche de Jupiter, mais elle possédait cependant une atmosphère plus haute, de même qu’une inclinaison de ses pôles plus accentuée, ce qui lui conférait une orbite plus oblique autour du soleil. Lorsque intervint sa destruction, son explosion divisa l’ensemble de la planète en de nombreux morceaux plus ou moins volumineux. Seuls ses quatre satellites demeurèrent entiers [Ce sont les 4 plus gros astéroïdes encore aujourd’hui observables. (Note de M. Kahir)]. Mais, du fait qu’ils avaient perdu leur centre gravitationnel, leur mouvement sombra dans le désordre, et ils s’éloignèrent de plus en plus les uns des autres parce que, à la suite de l’explosion, ils subirent une forte poussée due à la déflagration. Les débris de la planète centrale se dispersèrent dans le vaste espace compris entre Mars et Jupiter. Un grand nombre de plus petits débris s’éloignèrent encore davantage. Quelques-uns tombèrent sur Jupiter, d’autres sur Mars, quelques-uns même sur la Terre, la Lune, Mercure, Vénus et le Soleil. Sur les débris, il n’y a plus de vie organique, seulement l’érosion et une lente désintégration.». (…)
« »Tout ce qui passe n’est que symbole! » disait Goethe. Et c’est ainsi que le sens profond du drame de la fin d’une planète est, certes, une réalité, mais n’est, simultanément, que le reflet de la Vérité éternelle qui agit derrière elle…
Aujourd’hui, l’être humain de notre Terre se trouve également sous le signe de l’atome. Il est à nouveau placé à une croisée des chemins où son choix pourrait le conduire – non seulement lui mais son séjour terrestre, notre mère la Terre – à une destinée définitive.
Levons donc un regard lucide vers ces insistants signes célestes de notre domaine planétaire, vers ces nuées d’astéroïdes, signes visibles du caractère périssable du monde cosmique, œuvres issues de mains humaines qui furent maudites. Ils constituent un avertissement et une exhortation à nos contemporains responsables de leurs actes.
Graves et solennelles, les planètes poursuivent leur course dans l’Harmonie des Sphères. Seul, le plus grand sujet d’étonnement de la création, l’Homme, est capable de le troubler par son libre arbitre, en y introduisant la dysharmonie.
Cependant, la Volonté de Dieu est inscrite dans l’Ordre cosmique, et Son Amour répare à nouveau ce que Lucifer a dévasté dans l’Homme et par l’Homme.« . »
Introduction de Jean Choisel
De son côté, dans son Introduction, Jean Choisel – le traducteur de l’histoire en langue française – écrit:
« La « Conquête de l’Espace » est à l’humanité du XXème siècle ce que la construction de la Tour de Babel fut à l’humanité antédiluvienne. Elle est une nouvelle tentative de « monter jusqu’au ciel », autrement dit, une tentative de domination du cosmos à l’aide de techniques matérielles inventées par l’intellect humain, tentative qui se terminera fatalement comme jadis, c’est-à-dire dans la plus grande confusion générale. ».
Le roi Muhareb
Ce récit, unique en son genre, est des plus interpellant à bien des égards. Pour cette fois, ici, nous concentrons notre attention vers le personnage le plus digne d’attention de l’histoire, celle du roi Muhareb.
Le père de Muhareb était le roi de Mallona Maban. Muhareb, lui-même, devait aussi, à son tour, devenir Roi….
« Maban fut ainsi le maître incontesté de la planète entière et celle-ci prit le nom de son royaume: Mallona. Du mariage de Maban avec la fille de Ksontu naquirent deux fils, Muhareb et Areval, tous deux très différents de caractère. L’aîné, Muhareb, hérita [NDLR: Ce n’est ici qu’une façon de parler; en réalité l’hérédité d’un être humain se limite aux caractéristiques de son corps terrestre. Toute ressemblance animique ou spirituelle supplémentaire est le fait non de l’hérédité mais de la Loi de l’Attraction du Genre Semblable.] des qualités les plus nobles de son père, il était sérieux, chercheur, animé d’un profond ressenti religieux, d’une droiture et d’une justice inébranlables.
Dès son plus jeune âge, il surpassait ses camarades en intelligence et en jugement. Il pouvait être profondément attristé devant le malheur des autres et ressentir les plus grandes joies devant le bonheur de ses proches et même d’étrangers. (…)
Des années s’étaient écoulées depuis le début du règne de Maban, et ses fils Muhareb et Areval, déjà nommés, étaient devenus des hommes mûrs. Maban mettait toutes ses espérances en son fils aîné, Muhareb, dont la dignité le désignait en tant qu’héritier de son trône. (…)
Le mariage, une fois conclu, était indissoluble et l’homme ne pouvait avoir qu’une seule femme. Ceci toujours à cause de la conception religieuse suivant laquelle la Dualité de la Divinité agissant en un Tout, ne se sépare jamais plus lorsque s’est manifestée en elle une volonté d’action, qui entraîne toujours plus d’actes créateurs. La femme, principe de la Vie latente, et l’homme représentant le principe de Vie active, ne devaient donc jamais se séparer pour ne pas anéantir la volonté de Vie éveillée en eux. Muhareb avait cherché parmi les jeunes filles de son pays et il avait secrètement trouvé une jeune fille correspondant parfaitement à son idéal. C’était la sœur d’Upal, celui qui eut la chance de découvrir la pierre d’Oro.
Entre Fedijah et Muhareb était né un profond et pur Amour, mais Fedijah ignorait qui était Muhareb. Il avait tenu secrète sa haute naissance afin d’être sûr d’être aimé pour lui-même. C’est de cette façon qu’il avait pu se convaincre du trésor de pureté, de vertu et d’amour véritable qu’il avait découvert dans la jeune fille. Il était fermement décidé à l’épouser. » (…)
A la recherche du roi Muhareb
La voyante (métagnome) poursuit:
« Arvodo retrouve enfin la parole, et j’écoute la conversation suivante se dérouler entre les deux hommes:
– « Mon compagnon T’a désigné par le nom du fils du roi disparu: Muhareb. Es-Tu vraiment le Roi légitime de Mallona?
– Oui, je suis Muhareb, fils de Maban. Je suis en effet le roi légitime, mais c’est Areval qui gouverne depuis la capitale.
En proie à une vive agitation, Arvodo s’approche alors de lui et lui demande sur le ton de la prière:
– Maître, donne-m’en une preuve, que je n’en puisse plus douter! Tout en dépend pour moi!
– Une preuve ne te servirait à rien. Car je te connais, je connais tes projets. Il m’est, en effet, donné par le Père Universel de lire dans le cœur des hommes, de connaître leur volonté, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Cependant, je vais te donner la preuve que tu réclames, me soumettant en cela à l’Ordre que me donne Le Seul que je serve encore.
Le vieillard s’éloigne et revient peu après avec la calebasse que j’ai déjà observée, qui contient une partie des joyaux de la couronne.
– Regarde, Arvodo! Maban fit autrefois graver trois anneaux, signes de la puissance illimitée de sa maison, taillés tous trois dans la même pierre d’Oro. La pierre montre sur un fond blanc le portrait de Furos, l’ancêtre héroïque de notre race, couvert du heaume de la puissance et de la force que, dit la légende, il arracha lui-même au démon Usglom dans un combat acharné. Tu sais que, depuis ce temps-là, Usglom en veut à notre race et cherche à la perdre. Maban nous donna, à Areval et à moi-même, à chacun un anneau. Lui-même portait continuellement le troisième. Après la mort de Maban, Areval prit possession de l’anneau de son père. C’est celui qui brille en ce moment à ton doigt, en signe de la faveur que te fait Areval. Il mit ainsi une partie de sa puissance entre tes mains. Regarde, à présent, voici le troisième anneau!
Le vieillard soulève alors le couvercle et montre à Arvodo l’anneau reposant au fond de la coupe végétale. Avec étonnement, le général considère le bijou. Il regarde aussi le diadème royal déposé sur le fond de l’écrin, orné d’un diamant étincelant d’une immense valeur. Il ne doute plus, car Areval est le seul à porter un anneau semblable en certaines circonstances, en signe de sa dignité royale. Il ôte l’anneau de son doigt, s’agenouille devant Muhareb et déclare:
– Ô mon Maître et mon Roi! Je rends ce signe de ma puissance à la main à qui elle revient. L’ordre de mon père mourant est accompli. Il savait que mon Maître vivait, et il m’ordonna de chercher à te rendre la puissance à laquelle tu renonças. Toi seul peut sauver le peuple qui dégénère. J’ai fait serment de te rechercher, et voilà que j’ai à présent le bonheur de te trouver. Oh, reviens vers ton peuple! Mets fin à la solitude dans laquelle tu vécus jusqu’à présent! Tous les cœurs te fêteront, toi, le roi légitime de Mallona!
Calme et immobile, le grand vieillard considère l’agenouillé. Il ne prend pas l’anneau que lui tend celui-ci, mais il le relève et lui déclare lentement:
– Je ne suis pas le Maître ni le Roi de Mallona. Pas plus qu’Areval ! Aucun de vous ne Le connaît plus. Mais moi je L’ai reconnu et je remplirai Sa Volonté. Je vois que Ton cœur est plein de zèle, mais il n’est pas dans le droit chemin. Je ne peux plus sauver le peuple. Un animal qui veut vivre dans la fange retourne à sa fange. Les peuples de Mallona sont devenus semblables à cet animal. Et les grands de ce monde sont des bêtes de proie. S’ils ne changent pas leur façon de vivre, aucune aide ne peut plus leur être apportée, et ils devront supporter les conséquences de leurs actes.
– Ils ne changeront pas, Maître, si Tu ne leur donnes pas l’exemple! Ton souvenir n’est pas éteint parmi eux. On loue toujours le prince Muhareb comme un exemple de vertu.
– Peut-être, mais s’il revient en tant que Roi, commencera une effusion de sang comme il n’y en eut jamais de pareille. Et, quand l’ivresse sera passée, le Prêcheur de Vertu récoltera la haine là où il voudrait semer l’Amour! L’animal qui aime sa fange, si tu cherches à l’en arracher alors qu’il a perdu le goût de la propreté, il te tuera ! C’est pourquoi je ne chercherai jamais à arracher par la force aux mains d’Areval le pouvoir qu’il reçut par la Volonté du Père éternel. Chaque peuple a les souverains qu’il mérite. Et le caractère de chaque Souverain est ainsi fait qu’il l’entraîne à agir comme il convient pour son peuple. Le peuple et ses chefs font, en réalité, du peuple ce qu’il tend à devenir par son propre comportement. Par sa propre faute, Areval est devenu un monstre. Il opprime le peuple et il dissipe ce qu’il lui fait produire sous la contrainte, avec l’aide des oppresseurs à sa solde. Depuis longtemps, il a détruit tout ce que Maban avait construit. Si celui-ci fut un exemple de vertu, Areval est un exemple de perversion.
Pourquoi les peuples de Mallona n’ont-ils pas trouvé dans l’exercice du bien, que leur enseigna Maban, la force de résister aux tentations du mal, où les entraîne à présent Areval? Parce qu’ils n’étaient pas bons, parce que Maban se trompait en croyant que la vertu imposée aurait la force de transformer les défauts ancestraux de nos peuples. Maban fut le dernier rempart dressé contre une lente perversion de la moralité. Il fut le dernier à montrer à ses peuples quelles voies ils devaient prendre pour sortir de la fange, échapper à leurs soifs de jouissances et à leurs convoitises. Si les peuples avaient voulu se souvenir de leur propre dignité – de cette dignité qu’ils ont à conserver intacte en tant que créatures de l’Omnipère, l’éternel – la faveur m’aurait été faite de pouvoir continuer l’œuvre de Maban. Mais ils oublièrent leur dignité d’esprits humains incarnés, et ils ne s’inclinèrent que devant les contraintes légales que Maban leur imposa. En vérité, le souverain n’a aucune puissance sur l’asservissement de l’âme de ses sujets à toute sorte de convoitises. Il ne peut les en arracher, même lorsqu’ils obéissent aux paragraphes des lois et à la justice qui leur est imposée. Aussi longtemps que la conscience de ce qui est juste et bon demeure vivante dans chaque citoyen, la contrainte n’est pas nécessaire pour maintenir l’ordre public. Mais si cette conscience fait défaut, il n’est plus que l’obligation et la rigueur des lois imposées par la volonté d’un despote pour maintenir l’ordre, au moins en apparence. Et, toujours, tôt ou tard, les peuples se révoltent contre les despotismes, quelle que soit leur nature, renversant dans l’horreur et le sang les régimes exécrés, dont ils sont pourtant seuls coupables.
Arvodo, j’ai vu venir cette heure en esprit. Je savais qu’elle m’apporterait la proposition de retourner vers le peuple dans l’éclat extérieur de ma royauté. Je sais aussi que, à la seule condition d’accepter de devenir un tyran encore plus inflexible que l’est devenu Areval, je pourrais plier ces peuples sous mon joug. Mais cette voie m’imposerait de marcher sur des cadavres et sur du sang. Le seul moyen de la parcourir serait de tuer, d’éliminer physiquement les êtres qui se laisseraient aller à la violence, à la colère, à leurs vengeances et à leurs convoitises. Des êtres qui seraient alors perdus pour une activité constructive ultérieure dans la Demeure de l’Omni-Père qu’est la Création. J’en vois les suites inévitables. Je sais que l’on ne peut plus échapper à l’anéantissement physique des habitants de Mallona, mais la Volonté du Père me voile encore le moyen qu’Il a choisi.
Moi, j’ai fait mon choix. Je ne quitterai plus ce lieu où j’ai atteint la Lumière de l’âme, senti le Souffle de l’Esprit éternel, et où j’ai reconnu le But véritable de tout être humain. Je ne puis être le sauveur que Tu espères, et je désire que Tu taises mon existence, si Tu reviens auprès des tiens.
– Exiges-Tu aussi que je renonce à mes projets?
– L’accomplissement des projets, tels que tu les as conçus, ne se trouve ni entre mes mains, ni entre les tiennes. Il est gouverné par les hautes Intentions de l’Éternel. Aucun plan humain ne pourra jamais contrarier l’ultime destin vers lequel est conduite toute l’humanité, ni même le retarder. Agis donc selon Ta conviction, je ne t’en empêcherai pas!
– Et si mes projets m’empêchaient de taire le fait que Muhareb, le véritable roi de Mallona, est vivant?
– Alors, je ne puis T’en empêcher, après que Tu aies découvert cette vérité. Mais ne crois pas que Muhareb puisse être présenté au peuple, si telle n’est pas la Volonté du Père. Ce fut Sa Volonté que vous me découvriez. Le vaisseau volant qui vous amena dans les profondeurs de la grotte du Wirdu aurait pu s’y briser; j’aurais aussi pu tenter de vous corrompre. Mais ni l’un ni l’autre ne s’est produit. J’agis selon la Volonté de Celui Qui dicte à mon intuition ce que je dois faire. Allez tous deux en paix, nous vous raccompagnerons. Vous reviendrez auprès des vôtres sains et saufs. Notre voie n’est pas la même que la vôtre! ».
Muhareb a parlé avec une telle force de conviction qu’il est impossible à Arvodo de répliquer quoi que ce soit. Celui-ci regarde sombrement à ses pieds, puis, montrant la lumière qui apparaît à l’horizon marin, il déclare :
– L’heure de rentrer approche. Nous en empêcheras-Tu?
– Non! Je t’ai dit, déjà, que nous vous accompagnerons. Attends ici, je vais voir comment va ton compagnon.
Sans attendre de réponse, Muhareb s’éloigne et regagne la couche d’Upal. Il trouve celui-ci éveillé et discutant avec le jeune homme avec animation. Lorsqu’il aperçoit Muhareb, Upal saute sur ses pieds et se précipite vers le vieillard. Muhareb prend dans ses bras cet homme qui fut si profondément secoué et il murmure des paroles apaisantes:
– Upal! Ce n’est pas l’heure maintenant de répondre à toutes Tes questions. Mais Tu auras la réponse à tout ce qu’il T’est nécessaire de savoir. Ramène Ton compagnon, le temps presse! Et, quand Tu auras rempli cette tâche, reviens auprès de moi dans Ton vaisseau volant. Vois-Tu, là-bas, le haut rocher qui surplombe la mer? Depuis le sommet du cratère dans lequel Tu es descendu, tu peux l’apercevoir. Si Tu Te diriges d’après lui, tu ne manqueras pas la direction de notre baie cachée. Je T’attends. Laisse Arvodo rentrer seul. Ne lui parle de rien, afin de n’avoir, un jour, rien à regretter.
Upal regarde Muhareb avec étonnement:
– Le général est-il à proximité?
– Oui, il attend que Tu viennes. Te sens-Tu à nouveau fort?
– Oui! Mais combien de questions se pressent sur ma langue. Mais je les fais taire et obéis à Ton ordre!
Avec un signe à Upal et au jeune homme, Muhareb se retourne, et les trois se dirigent vers Arvodo, qui les attend. Celui-ci, demeuré là où Muhareb l’a quitté, regarde pensivement la mer devant lui. Lorsqu’il entend le bruit des pas, il se retourne, regarde Muhareb en face et s’approche de lui. Upal et le jeune homme demeurent en arrière, sentant que le général désire parler seul avec Muhareb. À voix basse, Arvodo lui demande:
– Est-ce ta décision définitive de renoncer au trône à jamais, Muhareb?
– Oui!
Les dernières volontés que Maban dicta à mon père – qui était son vassal le plus fidèle – fut de lui confier la tâche de Te rechercher et de Te ramener sur le trône. Maban savait, en effet, que Tu vivais, il ne pouvait pas croire que Tu Te sois complètement détourné de lui. Cette mission me fut transmise à la mort de mon père. Doit-elle être à jamais abandonnée, et devenir ainsi un sujet de honte?
– Je T’ai déjà donné ma réponse, elle demeure inchangée!
– Me délivres-Tu alors du serment que j’ai fait à mon père mourant?
– Sans force est la promesse dont Tu ne savais pas si Tu pourrais jamais la tenir. Tu es libre, dégagé de tout devoir en face de moi!
Arvodo regarde Muhareb avec étonnement. Avec un mouvement d’humeur, il ajoute:
– Ton refus tue en moi les meilleurs mouvements de mon cœur! L’esprit de Ton père ne vit plus en Toi. Vouloir être et demeurer un homme des cavernes quand un trône T’appelle, je ne peux pas le comprendre!
– Puisque tu ne peux comprendre ce qui me décide à agir de la sorte, mieux vaut que nous nous séparions immédiatement. Agis selon Ta conviction, moi je suis la mienne. Nos chemins ne sont pas les mêmes. »
Le roi Muhareb est-il vraiment vivant?
« Au début, les rumeurs relatives à la réapparition de Muhareb, le roi légitime, se heurtèrent à l’incrédulité. Notamment, Rusar ne voulait pas croire à cette possibilité, bien que Karmuno lui en eût personnellement fait part. Il connaissait trop bien le grand-prêtre. Son intention avouée d’utiliser le nom de Muhareb dans son propre intérêt lui fit supposer que Karmuno avait l’intention de soudoyer quelqu’un pour jouer le rôle du prince revenu. Mais lorsque, un jour, Upal fit irruption chez Rusar et lui confirma non seulement l’existence de Muhareb, mais l’éclaira également sur les intentions de son frère Arvodo, la colère d’avoir été trompé s’empara de lui, et il jura au roi, ainsi qu’à son frère, une terrible vengeance.
Il pressa Upal de lui faire connaître la retraite de Muhareb. Celui-ci la lui désigna et, un jour, accompagné d’une suite imposante, Rusar surprit Muhareb à l’improviste. Tous l’honoraient en tant que roi légitime. Lorsque Rusar eut découvert la petite cabane au bord de la mer, il considéra avec étonnement l’homme qui en sortit avec une grande majesté et, d’un ton hésitant, il lui demanda:
– Est-ce Toi Muhareb, le fils de Maban
Avec la dignité de l’homme conscient, qui attend les hommages qui lui sont dus, celui-ci répondit simplement:
– Je le suis!
Et, disant ces mots, il pénétra Rusar du regard.
Lorsque ce dernier s’inclina devant lui, pour honorer son Roi et Maître légitime, Muhareb ne refusa pas, mais accepta l’hommage. En silence, il suivit le vice-roi et, appuyé sur l’épaule de son jeune compagnon, Muhareb gravit avec celui-ci et Rusar la marche du véhicule royal, qui les conduisit dans la capitale de Nustra.
J’ai vu Muhareb dans son vêtement royal; la précieuse couronne ornait son front et l’anneau brillait à sa main droite. Toute sa personne exprimait une haute majesté, séduisant le peuple de Nustra, qui lui rendit un hommage délirant. Il habitait le palais de Rusar, où tous les honneurs lui étaient rendus, mais il restait silencieux et l’on devinait à son regard combien son cœur était peu touché par le luxe qui l’entourait.
Ensuite, je le vis entouré d’une grande foule. Les grands de Nustra étaient réunis, ainsi que les ambassadeurs de Monna et de Mallona. Muhareb parla longuement devant eux, avec conviction, tel un Prophète pénétré de l’importance de sa Mission. Il mit en garde le peuple contre sa soif de jouissances et son amollissement. Il lui montra combien est éphémère l’éclat des biens matériels, et la nécessité d’aspirer vers des Valeurs spirituelles durables. Il déclara qu’il n’était pas venu pour prêcher la désobéissance à son frère Areval, mais l’Obéissance à Dieu et à l’Ordre naturel qu’Il avait instauré. Il montra que, depuis longtemps, le peuple ne reconnaissait plus cet Ordre naturel et que, par conséquent, il n’y obéissait plus.
Lui qui, en tant que fils du roi Maban, avait renoncé à la domination matérielle pour parvenir à la maîtrise de l’Esprit, il voulait montrer à chacun la Voie permettant d’atteindre ce but ultime de la vie.
Son discours fit un formidable effet. Le peuple fut captivé et il s’en fallut de peu pour qu’il invoque Muhareb en tant que Représentant visible de la Divinité Schodufaleb. Mais Muhareb les incita à rentrer en eux-mêmes et à réfléchir à ce qu’il venait de leur dire. Il refusa fermement toute autre marque d’honneur.
Ensuite, je vis Karmuno – qui, déguisé afin de n’être pas reconnu, avait écouté ce discours. Lors du conseil des prêtres de Nustra qui eut lieu peu après, il déclara qu’il fallait exploiter au mieux le mouvement religieux provoqué par Muhareb, pour attacher encore plus fermement le peuple à son Temple. Dans ce but, il fallait d’abord soutenir les discours de Muhareb. « Il faut qu’il soit écouté, afin d’utiliser ensuite ses paroles dans l’intérêt du Temple. »
Le lendemain, les prêtres prêchèrent l’expiation dans tout le royaume de Nustra, et ils cherchèrent à canaliser la crédulité et la confiance des gens vers le grand Temple métropolitain de Mallona, Demeure visible de la Divinité.
À Mallona, je vis le roi Areval et le général Arvodo. Tous les deux étaient furieux et ulcérés de l’hommage rendu par Rusar à Muhareb. Areval ordonna de traiter les Nustrans en rebelles, au cas où ils ne lui livreraient pas Muhareb. Mais les Nustrans refusèrent de donner suite à l’exigence formulée. Rusar rappela à son frère le serment qu’il avait jadis prêté à son père mourant.
Arvodo n’arrivait pas à comprendre pourquoi Muhareb lui avait refusé, lors de leur rencontre, ce que, de toute évidence, il accordait maintenant délibérément à Nustra, à savoir de reprendre le pouvoir. À présent, si Muhareb venait à régner, Areval tomberait et, avec lui, le général. Celui-ci excita donc Areval contre son frère, et bientôt l’armée d’Areval se prépara à marcher contre Nustra.
Muhareb frissonna lorsqu’il eut connaissance de la prochaine expédition punitive. Il savait, en effet, par quels effroyables moyens Areval pouvait propager la mort et la souffrance, avec ce terrible explosif qu’est la nimah. Upal était prêt à confier à Muhareb le secret de la fabrication de l’explosif, secret qu’il avait reçu de son ancêtre, qui l’avait découvert, et qu’il avait soigneusement gardé, pour abattre la violence par la violence. Mais Muhareb ne voulait aucune effusion de sang. Il donna à Upal des ordres en conséquence et, un jour, il disparut. L’avion d’Upal l’avait emmené subrepticement, ainsi que son jeune compagnon.
Le rusé Karmuno ne prit aucune initiative. Il ne fit qu’approuver les ordres d’Areval, et se dit qu’il s’arrangerait dès que possible pour faire supprimer les deux frères ennemis au plus fort de la bataille et que, ainsi, il tiendrait enfin Areval en son pouvoir. Il connaissait, en effet, fort bien l’hypertension nerveuse du roi, toujours psychiquement malade, et il savait qu’il ne lui fallait qu’un choc moral propice, si possible en l’absence d’Arvodo, pour le dominer à nouveau tout à fait. Cet instant arriva.
Ces derniers temps, les mines du Wirdu n’avaient pas produit comme d’habitude. Areval avait fait part à son confident Arvodo des soucis des administrateurs, qui considéraient cette forte diminution de la production comme un danger pour les caisses de l’état. Celui-ci tranquillisa le roi en lui parlant des découvertes d’Upal, qu’il avait vues de ses propres yeux. Dès lors, Areval se sentit vainqueur d’Usglom, le gardien des trésors, dont il n’avait plus à craindre la haine contre sa lignée. Malgré une peur secrète, il nourrissait le désir de voir les inestimables trésors que lui avait décrits Arvodo, et celui-ci le lui promit.
Arvodo avait cru trouver, seul et sans difficulté, à partir de la mer, la baie solitaire, d’où un couloir naturel menait à l’intérieur des grottes. Mais il lui manquait Upal et son avion pour le guider sûrement. Il le fit donc chercher, mais ne le trouva pas. Il fit alors venir ses parents et, lorsque ceux-ci déclarèrent, conformément à la vérité, qu’ils ignoraient où se trouvait leur fils, il fit jeter les vieillards en prison. Dans sa colère, il fit proclamer que Upal, celui qui avait trouvé la pierre d’Oro, devait être fait prisonnier en tant que rebelle, où qu’on le trouve.
Cet ordre irrita les « Fidèles », dont Upal faisait partie, car ils avaient jusqu’alors vu en Arvodo un supérieur fraternel. En outre, Upal était considéré comme un favori de la Divinité, faute de quoi il n’aurait jamais pu trouver la pierre d’Oro. Un mouvement de fort mécontentement prit alors naissance contre Areval, mouvement dont Karmuno sut, à nouveau, tirer profit. En effet, lorsque le général quitta la capitale à la tête de ses troupes pour marcher sur Nustra, il excita la montée de haine des populations contre lui.
Non loin de la résidence royale, sur les rives d’un lac, se trouvait un magnifique palais, où Areval se réfugiait pour jouir de la tranquillité. Il s’y sentait en toute sécurité, car personne ne pouvait approcher de cette retraite sans y avoir été invité, sous peine d’être condamné aux travaux forcés dans les grottes du Wirdu. Un jour, Areval se promenait avec sa fille Artaya dans le grand parc solitaire de sa propriété. Aucun serviteur ne les accompagnait, car le vaste parc était entouré d’un infranchissable mur. Ils avaient gagné une pièce d’eau transparente, entourée de buissons élevés et épais où Areval et Artaya se baignaient parfois. À côté de ce vivier, se trouvait une grande pelouse entourée de buissons impénétrables.
Lorsque tous deux voulurent s’approcher de la pelouse, ils tressaillirent. Au milieu se trouvait l’étrange machine d’Upal et, lorsqu’ils s’approchèrent, ils entendirent un bruit dans les buissons. La haute stature de Muhareb en sortit et, à côté de lui, son jeune compagnon. Les yeux dans les yeux, les deux frères se firent face: Areval, livide, le souffle court, et Muhareb, plein de cette Dignité qu’imprimait sa grande âme à toute sa personne, l’œil sombre et mélancoliquement fixé sur le roi.
– Je suis venu pour t’avertir, frère!, prononça celui-ci en pesant sur les mots. Tu me poursuis, moi qui ne suis pas ton ennemi. Tu as envoyé ton général contre ceux de tes sujets que tu estimes rebelles. Agis comme bon te semble! Mais ce ne sont pas eux qu’il faudrait punir. Ils sont dans l’erreur, car ils croient, à Nustra, que j’aspire au trône. Mais je me suis adressé à eux pour sauver leurs âmes, tout comme je voudrais sauver la tienne. C’est pourquoi je te dis, renonce à faire couler le sang! Rappelle Arvodo!
– Rappeler Arvodo!, grinça Areval, voilà qui est pensé avec finesse et ruse! Entre temps, Rusar en profitera pour prendre tous les passages de la montagne. Je ne me fie pas à toi qui habites dans les grottes du Wirdu et qui, pour me perdre, a signé un pacte avec Usglom, l’ennemi mortel de la dynastie des Furo!
– Rien n’est plus éloigné de ma pensée que de te perdre, frère! J’ai oublié le passé et j’ai pardonné. Je ne convoite pas le trône sur lequel tu es maintenant. Fedijah repose dans le royaume d’Usglom, ses trésors l’entourent, car il est réconcilié avec la lignée des Furo! L’esprit de Fedijah exige la réconciliation entre nous.
À ce nom, Areval tressaille. Ses yeux s’élargissent, son souffle s’épuise. Il regarde autour de lui d’un air égaré et balbutie avec angoisse:
– Fedijah repose dans le royaume d’Usglom, je le sais par Arvodo. Elle exige de moi la réconciliation, dis-tu?
Muraval, le jeune compagnon de Muhareb, regardait avec pitié le roi apeuré. Et comme si ce regard exerçait sur lui une action magnétique, Areval se tourna vers le jeune homme. Lorsque leurs yeux se rencontrèrent, Areval poussa un cri étouffé, se rejeta en arrière, en s’appuyant sur Artaya, qui se tenait à ses côtés.
– Muhareb, qui est ce jeune homme? Je vois dans ses yeux les yeux de Fedijah. C’est ainsi qu’elle me regardait lorsqu’elle se détourna de moi! Tel est le regard qui me poursuit encore aujourd’hui dans mes rêves, et même à l’état de veille. Qui est ce garçon qui a le même regard que Fedijah!
Calme, mais fermement, Muhareb lui répond en appuyant sur chaque mot:
– Ton fils et celui de Fedijah! Je l’ai élevé, je l’amène à son père. Car c’est lui l’héritier de ce royaume. C’est ton fils!
Ces paroles agissent sur le roi comme un coup de massue. Le fragile équilibre d’Areval s’effondre sous le choc. Malade, son cerveau était déjà diminué, aussi voit-il subitement réapparaître les fantasmes qu’avec l’aide d’Arvodo il avait réussis à chasser. Ils se présentent à lui avec la violence de l’évidence. Une terreur confinant à la folie s’empare de lui. Dans un élan, il se redresse et hurle à son frère:
– Tu mens, monstre, qui n’est venu que pour me perdre! Tu cherches à me monter un tour d’illusionniste, une fantasmagorie que je réduis à néant! Arvodo, donne-moi ton épée! Les hallucinations que tu as tuées revivent! Je veux les exterminer moi-même!
Précipitamment, Areval souleva la toge sous laquelle il tenait toujours cachée une courte épée et il abattit l’arme sur le jeune homme, qui se tenait calmement à deux pas devant lui. Il ne le toucha que trop bien. La pointe s’enfonça profondément dans la poitrine de Muraval. Lorsqu’un flot de sang en jaillit et que le jeune homme s’écroula dans les bras de Muhareb et d’Upal rapidement intervenu, Artaya se mit à pousser des cris stridents.
Perdant l’esprit, Areval regardait fixement le mourant, tandis que les appels à l’aide d’Artaya emplissaient le parc. De loin, des voix leur répondirent, tandis que des hommes probablement armés se précipitaient. Quelques instants encore et ils allaient arriver. Muhareb et Upal prirent alors rapidement le corps inanimé du jeune homme, le portèrent en courant dans le vaisseau volant et le couchèrent dans sa nacelle.
Déjà, des serviteurs surgissaient au milieu des buissons, à la suite des appels d’Artaya, lorsque l’appareil décolla. Dressé de toute sa hauteur, Muhareb, les yeux pleins de douleur et de rage fixés sur le roi, tonna avec un air terrible:
– Sois maudit, roi Areval, ainsi que les tiens! Que le Courroux du Père t’égorge, toi le meurtrier de ton fils!
L’avion s’éleva alors rapidement et disparut, tandis qu’Areval tombait sans connaissance.
* * *
Lorsque Rusar apprit que son frère approchait à la tête d’une armée pour le punir de leur rébellion, lui et le peuple des Nustrans, il ne resta pas inactif. Les cols montagneux qui menaient de Mallona à Nustra furent occupés et retranchés. Car il était impossible de descendre dans les plaines de Nustra avant que les routes secondaires et la seule autoroute ne tombent aux mains de l’ennemi.
Rusar connaissait le terrible explosif dont pouvait disposer l’armée d’Arvodo. Aussi savait-il qu’il ne pourrait opposer une résistance victorieuse que s’il était impossible à l’ennemi de franchir la montagne. Depuis les hauteurs, à l’aide de catapultes, il pouvait également lancer des explosifs sur l’ennemi, bien que ceux-ci ne possèdent pas la puissance fantastique de la nimah, dont la fabrication était secret d’état. Ce n’est qu’une formule anodine, dérivée de cet explosif, qui était connue et utilisée partout comme carburant pour les moteurs. Mais seuls quelques hommes parmi les grands du royaume connaissaient ses effets explosifs, utilisables pour la guerre. Tandis que l’explosif foudroyant qu’avait autrefois utilisé Maban demeurait secret.
Bientôt, les armées de Rusar et d’Arvodo se firent face, mais elles ne purent obtenir aucune victoire. Les hauteurs occupées à temps furent défendues avec énergie, et les armées d’Arvodo n’osèrent pas s’en approcher. Il fallait employer d’autres moyens pour réduire Nustra, mais les engins nécessaires ne se trouvaient pas immédiatement disponibles. Il fallait d’abord les faire construire dans les usines de l’état, et ainsi s’écoula un certain laps de temps dans une guerre de positions, tandis que des événements décisifs se déroulaient dans la capitale de Mallona.
* * * * *
– Vous n’y demeurerez pas en sécurité si la Main du Père ne vous y protège pas!, tonne alors une voix puissante à l’entrée de la pièce.
Tous se retournent et voient avec étonnement Muhareb debout à l’entrée de la pièce. Sa haute stature est voûtée, il marche comme s’il portait un lourd fardeau. Upal se précipite vers lui pour le soutenir et celui-ci accepte son aide avec un sourire de reconnaissance. Il s’arrête devant Arvodo, regarde le général en face avec gravité et déclare d’un ton de reproche:
– Où t’as mené ta soif d’honneurs? Tu as présumé de tes forces, tu as cru en des promesses. Ne savais-tu donc pas que la passion n’est pas la base sur laquelle bâtit le sage? Qu’as-tu fait de l’honnêteté, de la valeur de la parole donnée, du devoir à accomplir, de la pitié, de la confiance et de la Foi dans le Père de tout être? Dans ton cœur, tu as éteint, étouffé tout ressenti de Bonté, de Vérité et d’Honneur. Celui qui trompe ses semblables ne domine que jusqu’à ce que la fourberie le détruise à son tour. Tu en as fait l’expérience, et c’est ce qui a causé ta perte. L’heure du châtiment est proche, elle est déjà là!
à cet instant précis, éclate, dans le lointain, un coup de tonnerre persistant, suivi d’un grondement sourd et de mauvais augure. Un léger mais très perceptible tremblement parcourt le sol. Le grondement cesse et les personnes présentes se regardent avec effroi. Seul Muhareb, resté impassible, se redresse soudain et s’écrie, le regard étincelant:
– Père Tout-Puissant, Tu m’appelles! Je ne dois pas voir l’ultime détresse. Les peuples humains ici sont pourris, ils courent à leur perte, car ils ne sont plus dignes de Ton Amour. Tu as essayé de les secouer, mais ils dorment. Tu les as punis en leur imposant un despote tel qu’ils le méritaient, mais ils n’ont pas été sensibles à ses exactions et à ses violences, et ils sont demeurés dans leur passivité. Ils sont devenus esclaves de ceux qui se donnent pour Tes prêtres, et vois, l’enténèbrement que ceux-ci répandent autour d’eux leur convient tout à fait. Ils ne veulent pas voir la Lumière de la Vérité, et s’efforcent de la faire disparaître. Maintenant, Ta Longanimité est à son terme, le châtiment approche ! Il sera accordé à d’autres ce que Tu voulais ici dispenser en abondance. Même Ton serviteur est devenu faible, car le dernier être demeuré pur, celui que j’ai élevé pour Te servir, Muraval est mort ! Rien maintenant ne retient plus Ta Colère. Ô, prends-moi, ne me laisse pas voir l’ultime horreur!
La voix de Muhareb s’assourdit tout à coup. Son visage brille d’un extraordinaire éclat. Il semble que ses yeux dirigés vers le ciel en contemplent un autre, plus beau. Il reste ainsi dressé, tout droit, muet, l’espace d’un instant. Soudain, il respire profondément, ses traits s’affaissent brusquement et, d’un seul coup, son corps s’effondre. Upal le saisit vivement dans ses bras et le laisse doucement glisser sur le sol. Les personnes présentes s’en approchent.
Muhareb est mort! ».
La Sagesse de Muhareb
Dans ce récit il est possible de voir que Muhareb parle comme un Préparateur de Chemin tel que Bouddha, Lao-Tsé, Miang-Fong, Zoroastre et Mohammed [NDLR: Page privée: Nécessite d’être enregistré et connecté.].
Quelques sages paroles de Muhareb:
« Il est facile d’être bon, si l’on n’a pas l’occasion de mal agir. »
« Des Lois sages, auxquelles un peuple obéit volontairement, d’une façon conforme aux Idéaux qui les ont inspirées, conduisent ce peuple à un état de liberté matérielle et spirituelle. »
« Mais le contraire se produit lorsque les lois de ce peuple en viennent à être de plus en plus compliquées, interprétées et, finalement, tournées. Quand elles ne servent plus qu’à maintenir le profit égoïste, le mensonge et une force oppressive, elles mènent le peuple à la corruption et à sa perte. »
« Le sauveur d’un peuple doit être dur, il ne doit pas avoir de considération, même pour sa propre chair et son propre sang, quand il s’agit d’éliminer les erreurs reconnues. »
« L’âme du peuple trouve son unité chez le Roi, car l’état d’esprit du Souverain reflète leur état d’esprit. En effet, aucun Peuple libre, c’est-à-dire dont la sensibilité spirituelle n’est pas dévoyée, ne peut longtemps supporter un tyran. Seuls des êtres humains dont le cœur est soumis à l’esclavage des passions peuvent devenir les esclaves d’un tyran. »
Lorsque le peuple se soumet, l’entourage du souverain ne peut gouverner qu’avec celui-ci. Si le peuple ne le veut pas, tôt ou tard, il suscite des combattants de la Liberté qui, un jour, seront victorieux. C’est seulement à ce moment qu’une noble idéologie peut triompher, à condition que tout Idéal ne soit pas encore éteint dans le cœur des hommes. Il faut qu’il soit encore possible d’allumer la Flamme du Sacrifice dans leurs cœurs, cette Flamme qui est allumée par la Force Suprême qui régit tout, dont nous tenons notre propre existence. Cette Force, c’est celle qui émane de l’Esprit Universel, Auquel nous devons notre gratitude, et Auquel nous aurons à rendre compte de notre volonté, de nos pensées, de nos paroles et de nos actes.
La Flamme intérieure s’exprime par l’Intuition, qui signale dans quelle direction il faut agir. Elle dévore ce qui est impur, elle peut faire d’une petite étincelle un brasier ardent. Mais si la vanité, l’amour-propre, a détruit cet Autel intérieur de l’esprit, la Flamme du Sacrifice ne fait plus que couver et elle finit par s’étouffer. Alors, c’en est fini de l’avenir du peuple: les meilleurs meurent, assassinés par les puissances du mal victorieux. Celui-ci triomphe quelque temps, se gausse des mises en garde des derniers hommes lucides, quelle que soit la façon dont elles sont formulées, et, en une présomption insensée, il croit finalement pouvoir frapper au visage la Puissance de l’Universel…
« Grâce à l’esprit qui l’habite, l’homme est un puissant maître dans la maison de la Nature. »
« Cet esprit lui permet en effet de s’élever au-dessus de la faiblesse de son corps et, soumises, les forces élémentales de la Nature plient devant lui. »
« Il n’est que très peu d’hommes à Mallona pour avoir reconnu la force incommensurable de l’esprit qui nous habite – la plupart le confondant avec leur intellect et ses fonctions – esprit qui nous a été donné afin que nous devenions les maîtres du domaine matériel. »
« Grâce à la domination des forces de la Nature, l’homme peut pénétrer toujours plus profondément dans la compréhension de la Sagesse du Père. »
« Il est juste que nous apprenions à dominer les éléments. Non seulement pour notre profit personnel, mais surtout pour apprendre ainsi à connaître et à aimer toujours mieux Celui qui est l’Auteur des Lois Naturelles. »
« Celui qui trompe ses semblables ne domine que jusqu’à ce que la fourberie le détruise à son tour. ».
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– Source: « Mallona, la planète explosée » –
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Jacob LORBER est décédé en 1864, laissant son œuvre inachevée. En 1891, soit 27 ans plus tard, c’est Léopold ENGEL qui mena à son terme ses écrits (11ème tome).
Merci de cette importante et utile précision!