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On ne badine pas avec l’amour!

par | 18 Nov 2024 | Littérature, Témoignages, Histoire, Moralité et comportement | 0 commentaires

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On ne badine pas avec l’amour!

 

« On ne badine pas avec l’amour! », tel est le titre d’une pièce de théâtre de l’écrivain romantique Alfred de Musset, publiée en 1834.

Dans Wikipédia nous apprenons que:

« En mars 1834, Musset quitte Venise seul après le drame de la rupture avec George Sand quand elle l’abandonne et part avec le médecin Pagello. Commence alors une correspondance amicale «plus ardente que l’amour» entre les deux amants séparés, où Musset informe qu’il projette d’écrire leur histoire, «de bâtir un autel, fût-ce avec ses os» à George, qui sera le futur roman La Confession d’un enfant du siècle. Mais François Buloz, le directeur de la Revue des deux Mondes, lui fait une commande d’une comédie dans la continuité d’Un spectacle dans un fauteuil, laissant le poète désabusé, ne sachant même pas «comment lui faire une malheureuse comédie». C’est donc sans enthousiasme qu’il commence l’écriture d’On ne badine pas avec l’amour, finissant deux mois plus tard, pour enfin se tourner vers le projet de son roman.

La liaison passionnée qu’il a entretenue avec George Sand a nourri en grande partie la pièce, ainsi la scène 5 de l’acte II reprend des passages des lettres écrites par George Sand lors du conflit amoureux («Tous les hommes sont menteurs, inconstants…») ». (Source)

C’est – plus précisément – en Juillet 1834 que Musset publie « On ne badine pas avec l’amour ». Dans cette pièce la réplique de Perdican, sur la sainteté de l’amour (acte II, scène 5) est inspirée de sa correspondance avec George Sand: «J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.».

En lisant la pièce…

Quelques répliques d’anthologie…

Sur la vanité de la science:

Perdican: «Les sciences sont une belle chose, mes enfants; ces arbres et ces prairies enseignent à haute voix la plus belle de toutes, l’oubli de ce qu’on sait.».

Sur les souvenirs d’enfance (Qui n’a pas éprouvé cela?):

« Comme ce lavoir est petit! Autrefois il me paraissait immense; j’avais emporté dans ma tête un océan et des forêts; et je retrouve une goutte d’eau et des brins d’herbe. ».

Sur l’amour et le mariage:

« Pourquoi nous marier? Voilà ta main et voilà la mienne, et, pour qu’elles restent unies ainsi jusqu’au dernier soupir, crois-tu qu’il nous faille un prêtre? Nous n’avons besoin que de Dieu. ».

Sur l’amour et l’amitié:

Alors que Camille lui dit: « Je suis bien aise que mon refus vous soit indifférent. », Perdican répond:

« Il ne m’est point indifférent, Camille. Ton amour m’eût donné la vie, mais ton amitié m’en consolera. ».

Sur la Nature, témoin de l’amour:

« Les paysans de ton village se souviennent de m’avoir aimé; les chiens de la basse-cour et les arbres du bois s’en souviennent aussi; mais Camille ne s’en souvient pas. ».

Sur la vie monastique:

Camille: « Il y a deux cents femmes dans notre couvent; un petit nombre de ces femmes ne connaîtra jamais la vie; et tout le reste attend la mort. ».

Sur le dilemme vie monastique / amour humain.

Perdican: « Ma sœur chérie, les religieuses t’ont donné leur expérience; mais, crois-moi, ce n’est pas la tienne; tu ne mourras pas sans aimer. ».

Camille: « Je veux aimer, mais je ne veux pas souffrir; je veux aimer d’un amour éternel, et faire des serments qui ne se violent pas. Voilà mon amant. ». Elle montre son crucifix.

Sur le danger de l’orgueil:

Perdican: « Tu es une orgueilleuse; prends garde à toi. ».

Camille: « Pourquoi? ».

Perdican: « Tu as dix-huit ans, et tu ne crois pas à l’amour! ».

Sur l’amour des hommes et l’Amour divin:

Perdican: « Sais-tu ce que c’est que des nonnes, malheureuse fille? Elles qui te représentent l’amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu’il y a pis encore, le mensonge de l’amour divin? Savent-elles que c’est un crime qu’elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme? ».

La tirade de Perdican sur la sainteté de l’amour:

Perdican: « Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire: Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit: J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.« .

La lettre de Camille interceptée par Perdican et qui déclenche sa réaction d’amour-propre qui le pousse ensuite à instrumentaliser la pauvre Rosette:

«Je pars aujourd’hui, ma chère, et tout est arrivé comme je l’avais prévu. C’est une terrible chose; mais ce pauvre jeune homme a le poignard dans le cœur; il ne se consolera pas de m’avoir perdue. Cependant j’ai fait tout au monde pour le dégoûter de moi. Dieu me pardonnera de l’avoir réduit au désespoir par mon refus. Hélas! ma chère, que pouvais-je y faire? Priez pour moi; nous nous reverrons demain et pour toujours. Toute à vous du meilleur de mon âme. – Camille.».

Le résumé de l’intrigue

« Il se passe assurément quelque chose d’étrange au château; Camille a refusé d’épouser Perdican; elle doit retourner aujourd’hui au couvent dont elle est venue. Mais je crois que le seigneur son cousin s’est consolé avec Rosette. Hélas! la pauvre fille ne sait pas quel danger elle court en écoutant les discours d’un jeune et galant seigneur. ».

Sur les querelles:

 Perdican: « À quoi sert de se quereller, quand le raccommodement est impossible? Le plaisir des disputes, c’est de faire la paix.« .

Sur le « cœur des femmes »:

Camille, essayant de justifier le mensonge: « Connaissez-vous le cœur des femmes, Perdican? Êtes-vous sûr de leur inconstance, et savez-vous si elles changent réellement de pensée en changeant quelquefois de langage? Il y en a qui disent que non. Sans doute, il nous faut souvent jouer un rôle, souvent mentir; vous voyez que je suis franche; mais êtes-vous sûr que tout mente dans une femme, lorsque sa langue ment? Avez-vous bien réfléchi à la nature de cet être faible et violent, à la rigueur avec laquelle on le juge, aux principes qu’on lui impose? Et qui sait si, forcée à tromper par le monde, la tête de ce petit être sans cervelle ne peut pas y prendre plaisir, et mentir quelquefois par passe-temps, par folie, comme elle ment par nécessité? ».

En marche vers le drame…

Justement, Camille – venant de nier qu’elle était à la fontaine – reconnaît ensuite qu’elle a menti:

Camille: « N’as-tu pas souri tout à l’heure quand je t’ai dit que je n’avais pu aller à la fontaine? Eh bien! oui, j’y étais et j’ai tout entendu. ».

Mais, juste après, elle enchaîne en accusant Perdican de mensonge à son tour quant aux paroles qu’il a – à la fontaine – dites à Rosette (la sœur de lait de Camille) pour essayer de lui faire croire qu’il l’aime, et cela dans le seul but de rendre Camille jalouse:

« mais, Dieu m’en est témoin, je ne voudrais pas y avoir parlé comme toi. Que feras-tu de cette fille-là, maintenant, quand elle viendra, avec tes baisers ardents sur les lèvres, te montrer en pleurant la blessure que tu lui as faite? Tu as voulu te venger de moi, n’est-ce pas, et me punir d’une lettre écrite à mon couvent? Tu as voulu me lancer à tout prix quelque trait qui pût m’atteindre, et tu comptais pour rien que ta flèche empoisonnée traversât cette enfant, pourvu qu’elle me frappât derrière elle. Je m’étais vantée de t’avoir inspiré quelque amour, de te laisser quelque regret. Cela t’a blessé dans ton noble orgueil? Eh bien! apprends-le de moi, tu m’aimes, entends-tu; mais tu épouseras cette fille, ou tu n’es qu’un lâche! ».

Après cela, par orgueil, Perdican s’enferre dans son mensonge en disant:

« Elle est jeune et jolie, et elle m’aime; c’est plus qu’il n’en faut pour être trois fois heureux. ».

Ce à quoi, parlant de sa sœur de lait, Camille réplique:

« Mais vous n’y pensez pas; c’est une fille de rien. ».

Ce à quoi – sans se laisser décontenancer – Perdican répond avec fierté:

« Elle sera donc de quelque chose, lorsqu’elle sera ma femme. ».

Et lorsque Camille lui affirme qu’il se lassera de Rosette, Perdican répond:

« Vous verrez que non. Vous ne me connaissez pas; quand une femme est douce et sensible, fraîche, bonne et belle, je suis capable de me contenter de cela, oui, en vérité, jusqu’à ne pas me soucier de savoir si elle parle latin. ».

Alors Camille ironise:

« Il est à regretter qu’on ait dépensé tant d’argent pour vous l’apprendre; c’est trois mille écus de perdus. ».

Ce à quoi Perdican acquiesce en disant:

« Oui; on aurait mieux fait de les donner aux pauvres. ».

Camille persifle:

« Ce sera vous qui vous en chargerez, du moins pour les pauvres d’esprit. ».

Perdican, rebondissant et se référant aux Béatitudes dans l’Évangile:

« Et ils me donneront en échange le Royaume des Cieux, car il est à eux. ».

Plus tard, Camille va prier dans un oratoire:

Entre Camille, elle se jette au pied de l’autel:

« M’avez-vous abandonnée, ô mon Dieu? Vous le savez, lorsque je suis venue, j’avais juré de vous être fidèle; quand j’ai refusé de devenir l’épouse d’un autre que vous, j’ai cru parler sincèrement devant vous et ma conscience, vous le savez, mon père; ne voulez-vous donc plus de moi? Oh! pourquoi faites-vous mentir la vérité elle-même? Pourquoi suis-je si faible? Ah! malheureuse, je ne puis plus prier! ».

Puis, à juste titre, Perdican déplore l’empire de l’orgueil qui détruit l’amour:

« Orgueil, le plus fatal des conseillers humains, qu’es-tu venu faire entre cette fille et moi? La voilà pâle et effrayée, qui presse sur les dalles insensibles son cœur et son visage. Elle aurait pu m’aimer, et nous étions nés l’un pour l’autre; qu’es-tu venu faire sur nos lèvres, orgueil, lorsque nos mains allaient se joindre? ».

Puis Perdican fait son examen de conscience et avoue enfin son amour pour Camille:

« Insensés que nous sommes! Nous nous aimons. Quel songe avons-nous fait, Camille? Quelles vaines paroles, quelles misérables folies ont passé comme un vent funeste entre nous deux? Lequel de nous a voulu tromper l’autre? Hélas! Cette vie est elle-même un si pénible rêve! Pourquoi encore y mêler les nôtres? Ô mon Dieu! Le bonheur est une perle si rare dans cet océan d’ici-bas! Tu nous l’avais donné, pêcheur céleste, tu l’avais tiré pour nous des profondeurs de l’abîme, cet inestimable joyau; et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet. Le vert sentier qui nous amenait l’un vers l’autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon! Il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes. Ô insensés!, nous nous aimons. ».

A son tour, Camille avoue son amour pour Perdican:

« Oui, nous nous aimons, Perdican; laisse-moi le sentir sur ton cœur. Ce Dieu Qui nous regarde ne S’en offensera pas; il veut bien que je t’aime; il y a quinze ans qu’Il le sait. ».

Perdican se réjouit:

« Chère créature, tu es à moi! ».

(Il l’embrasse; {mais} on entend un grand cri derrière l’autel.)

Camille, reconnaissant la voix de Rosette:

« C’est la voix de ma sœur de lait. ».

Perdican s’étonne:

« Comment est-elle ici? je l’avais laissée dans l’escalier, lorsque tu m’as fait rappeler. Il faut donc qu’elle m’ait suivi sans que je m’en sois aperçu. ».

Camille, recherchant l’origine du cri:

« Entrons dans cette galerie; c’est là qu’on a crié. ».

Perdican, pressentant un malheur funeste et sa propre culpabilité pour cela:

« Je ne sais ce que j’éprouve; il me semble que mes mains sont couvertes de sang. ».

Camille, réfléchissant:

« La pauvre enfant nous a sans doute épiés; elle s’est encore évanouie; viens, portons-lui secours; hélas!, tout cela est cruel. ».

Perdican, glacé à la perspective de l’irréparable:

« Non, en vérité, je n’entrerai pas; je sens un froid mortel qui me paralyse. Vas-y, Camille, et tâche de la ramener. (Camille sort.) Je vous en supplie, mon Dieu! ne faites pas de moi un meurtrier! Vous voyez ce qui se passe; nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort; mais notre cœur est pur; ne tuez pas Rosette, Dieu juste! Je lui trouverai un mari, je réparerai ma faute, elle est jeune, elle sera heureuse; ne faites pas cela, ô Dieu! vous pouvez bénir encore quatre de vos enfants. Eh bien! Camille, qu’y a-t-il? »

(Camille rentre.)

Camille, comprenant que ce drame les sépare à jamais:

« Elle est morte. Adieu, Perdican! ».

Avec cette dernière réplique disant tout en cinq mots, c’est ainsi que se termine la pièce d’Alfred de Musset, justifiant son titre: Non, décidément, non, au grand jamais…

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  « On ne badine pas avec l’amour! ».

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Alfred de Musset - On ne badine pas avec l'amour - École française

Alfred de Musset – On ne badine pas avec l’amour – École française

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