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La Foi et les œuvres

par | 14 Juin 2024 | Bible, Autres Articles, Recherche Spirituelle | 1 commentaire

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La Foi et les œuvres

 

La Foi ou les œuvres?

Qu’est-ce qui peut nous justifier devant Dieu? La Foi, les œuvres? Seulement les œuvres? Seulement la Foi?

C’est peut-être la question la plus importante de toute la théologie chrétienne. Elle a été à l’origine de la Réforme, la rupture entre les Églises protestantes et l’Église catholique. Elle est l’une des différences fondamentales entre le Christianisme biblique et la plupart des confessions se présentant comme chrétiennes. Sommes-nous sauvés par la Foi seule ou par la Foi et les œuvres? Sommes-nous sauvés rien qu’en croyant en Jésus, en croyant qu’Il est notre Sauveur, ou bien y a-t-il des « choses » à faire en plus?

L’Épître aux Romains a particulièrement marqué Martin Luther, le fondateur de la Réforme Protestante. De cette Épitre, il tire la doctrine de la «Sola Fidei», c’est-à-dire que «Il n’y a que la Foi qui sauve», indépendamment des œuvres accomplies par le Chrétien, «car en Lui [Jésus], la Justice de Dieu se révèle de la foi à la foi, comme il est écrit: «Le Juste vivra de la Foi» (Romains I, 17). Toutefois, la Bible même montre l’importance capitale des œuvres pour être sauvé.

Comment aller au Ciel? «Ce qui importe à Luther de 1505 à 1515, ce n’est pas la réforme de l’Église, c’est Luther, l’âme de Luther, le Salut de Luther. Cela seul.» Cette parole est de Lucien Febvre, historien et auteur de la plus célèbre biographie du Réformateur: « Martin Luther, un destin » (Puf, 1928).

Selon lui, « Luther est un angoissé, et c’est de cette angoisse que va naître le Protestantisme. Qui est sauvé? se demande-t-il. Et plus important encore: Serai-je sauvé? À cette question, l’Église apporte une réponse qui le plonge dans le tourment. Pour obtenir le Salut, dit-elle, il faut refuser le péché, recevoir les sacrements et agir comme Dieu le demande. Refuser le péché? Soit, pense Luther, mais notre tendance peccamineuse est si forte que nous ne pouvons lui échapper. L’homme reste pécheur toute sa vie: s’il doit compter sur ses mérites, il est indigne du Salut. Alors? Alors nous serons damnés. Alors je serai damné. Cette idée, bien sûr, lui est insupportable. » (Source).

La Réforme – La doctrine de Luther – Les Cinq Solas

« Sola fide » (expression latine à l’ablatif signifiant « Par la Foi seule ») est une expression latine désignant le principe protestant selon lequel seule la Foi peut sauver l’être humain, c’est-à-dire lui assurer son Salut éternel. Il fait partie des traditionnels Cinq Solas.

Les Cinq solas sont cinq formules en latin qui forment les cinq piliers du Protestantisme en matière de sotériologie. Autrement dit, il s’agit des cinq Principes sur lesquels repose le Salut éternel de l’être humain.

Voici donc les Cinq Solas:

Sola Scriptura(«Par l’Écriture seulement»)

« Sola Scriptura » est l’affirmation selon laquelle l’Écriture Sainte – notamment la Bible – (en particulier par opposition à l’Église) est la seule autorité pour toutes les questions relatives à la Foi et à la pratique spirituelle.

Cela veut dire que tout ce que l’église peut dire ou enseigner par ailleurs doit être évalué à l’aune de l’Écriture Sainte, et non l’inverse. C’est le contraire de ce que considérait l’église à l’époque où Martin Luther a érigé ce principe.

Ce qu’il en est selon les Lois de la Création: Pour autant qu’elles le soient vraiment, la prééminence des Saintes Écritures est une évidence naturelle. Il convient aussi d’être conscient que la Révélation n’est pas close avec la Bible, mais qu’au contraire, en fonction de la Promesse de Jésus(« Lorsque ler Consolateur viendra, l’Esprit de Vérité, Lui vous conduira dans toute la Vérité »), elle se poursuit… ‘Par « Écriture » ou « Écriture Sainte » il convient donc de comprendre l’ensemble des Messages Divins parvenus aux êtres humains à toutes les époques…

Sola Fide («Par la Foi seulement»)

Si l’être humain n’est pas sauvé par ses œuvres, il lui est donc simplement demandé d’avoir confiance en Dieu: c’est la Foi, qui vient toujours par la médiation de la Bible (Épitre aux Romains, X – 17).

Ce qu’il en est selon les Lois de la Création: La Foi est, bien évidemment, indispensable pour parvenir au Salut et à la Rédemption (l’un ne va pas sans l’autre). Toutefois, la Foi ne doit pas en rester au stade de croyance, mais elle doit devenir Conviction.

Sola Gratia («Par la Grâce seulement»)

Pour Luther ce ne sont pas les « bonnes œuvres » qui suffisent à sauver l’être humain. Pour affirmer cela il se base notamment sur la Parabole du Pharisien (qui accomplit de bonnes actions) et du Publicain (qui, humblement, se reconnaît comme pécheur).

Pour Luther, le Salut n’est pas dépendant de l’être humain, celui-ci doit entrer dans une relation de confiance et même de certitude du caractère offert et gratuit de son Salut. Du fait que, selon ce principe, la justification serait gratuitement offerte à l’être humain par son Dieu, Luther pense voir disparaître la Crainte de Dieu, découlant de la peur de «ne pas être à la hauteur» des Exigences de Dieu.

Ce qu’il en est selon les Lois de la Création: Que les bonnes œuvres ne suffisent pas à assurer le Salut est une évidence. En conclure que l’être humain n’ait pas de bonnes œuvres à accomplir ou même qu’il ne devrait pas en accomplir est toutefois largement abusif. « Ne pas suffire » ne signifie nullement « ne pas être nécessaire ».

Bien sûr que les bonnes œuvres sont aussi nécessaires au Salut! La Foi sans les œuvres ne pourrait pas mener bien loin. Mieux: La Foi sans les œuvres ne seraient pas la Foi! La Foi véritable en l’être humain s’exprime, en tant qu’évidence naturelle, par ses pensées, ses paroles et ses actions!

Solus Christus («{Par le} Christ seulement»)

Cet énoncé indique que le Salut de l’esprit passe nécessairement par le Christ, et par Lui seul (« Je suis le Chemin, la Résurrection et la Vie, Nul ne vient au Père que par Moi. » – Jean, X, verset 6). En d’autres mots, Jésus-Christ est l’unique Intercesseur vers Dieu et non d’autres êtres comme les membres du clergé, les supposés « saints », la Vierge Marie, ou même d’autres choses comme les reliques des « saints ».

Ce qu’il en est selon les Lois de la Création: Oui le Salut passe nécessairement par le Fils de Dieu Jésus, de même qu’il passe aussi par le Fils de l’Homme annoncé par Jésus(« Lorsque le Fils de l’Homme viendra… » – Matthieu, XXV, 31-46)., Lequel renvoie Lui-même à Jésus (« Il vous redira les Choses que Je vous ai dîtes » – Jean, XIV, 26).

Soli Deo Gloria («À Dieu Seul la Gloire»)

Cette parole signifie que l’Adoration n’est destinée qu’à Dieu Seul. « Car c’est à Toi qu’appartiennent  le Règne, la Puissance et la Gloire pour les siècles des siècles. » (Conclusion du « Notre Père » apporté par Martin Luther). Elle affirme qu’aucun culte ne doit être rendu à un être humain, vivant ou décédé, de même qu’à un objet (comme l’ostensoir [article privé]) ou à un symbole (comme l’hostie). Seul Dieu possède le caractère Sacré, Divin, Absolu, et digne d’Adoration.

Ce qu’il en est selon les Lois de la Création: Ce dernier « Sola » est tout à fait juste et au conforme au Premier Commandement: « Je suis l’Éternel Ton DIEU; Tu n’auras pas d’autres dieux à côté de Moi. ». Les Honneurs Divins et la Glorification ne sont dus qu’à DIEU Seul.

Sola Fide

Ici nous ne développerons davantage que le « Sola Fide ». Pour le réformateur Martin Luther, seule la Foi peut justifier devant Dieu, et non les œuvres. Mais comment en est-il venu à professer cela?

La question de la justification par la Foi est au cœur de la doctrine de Luther. La théologie de Luther est indéniablement juste au départ, mais, malheureusement, à un moment donné, se met inexorablement à dévier en voulant exclure la nécessité des œuvres en vue du Salut

La doctrine du Salut par la Foi (que l’on appelle aussi la Justification par la Foi) a joué un très grand rôle au moment de la Réforme protestante, lorsque Martin Luther, très préoccupé par son Salut personnel et insatisfait des réponses de l’Église de son temps, a compris l’importance de l’Écriture, en lisant l’Épître de Paul aux Romains.

Cette doctrine est, par conséquent, la pierre angulaire de la Réforme protestante. Par cette Doctrine du Salut par la Foi seule, le Protestantisme se démarque des autres religions chrétiennes qui, quant à elles, affirment que des œuvres et/ou des rites sont nécessaires à l’amélioration de l’être humain, afin qu’il participe à son Salut.

Pour comprendre la problématique de la Justification par la Foi seule, il peut être utile de mentionner quelques passages de l’Évangile de Luc, lequel peut, à certains égards, être considéré comme un disciple de l’Apôtre Paul.

Dans la Parabole du pharisien et du publicain (Luc XVIII, 9-14), Jésus s’adresse «à certains qui étaient convaincus d’être justes» et Il conclut que le publicain «redescendit {du Temple} justifié plutôt que l’autre». Le premier (le pharisien), en effet, met en avant ses œuvres, satisfait et imbu de lui-même comme il est, comme si ces œuvres constituaient un ticket gagnant lui permettant de recevoir le Salut comme un droit exugible, le publicain n’ayant rien d’autre à montrer que sa condition de pécheur et n’en appelant qu’à la seule Miséricorde de Dieu.

S’«il y a plus de Joie dans le Ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence» (XV, 1-7), c’est précisément parce que, considérant qu’ils n’ont pas besoin d’être sauvés, ces supposés «justes» sont, en effet, en réalité, incapables de l’être, tandis que celui qui, humblement, se reconnaît misérable est ouvert à la Miséricorde.

Parmi les dix lépreux (XVII, 11-19), un seul d’entre eux – qui était samaritain – revient sur ses pas pour rendre grâce à Jésus, tandis que les neuf autres poursuivaient leur chemin, parce que, selon toute vraisemblance, ils devaient considérer que cette Guérison miraculeuse leur était due.

Loi et Foi chez l’Apôtre Paul

Dans la fameuse l‘Épitre aux Romains, Paul théorise ce qui constitue le cœur de son ministère: l’appel des païens, «qui n’ont pas la Loi», au Salut. Puisque les païens – bien qu’ils soient païens – ont, quand même, une Loi inscrite dans leur cœur, dont témoigne la conscience (II, 14-15), Paul entend ici par «Loi» la Loi mosaïque et, à l’intérieur des préceptes de la Torah, il vise surtout les «œuvres» comme certaines prescriptions religieuses, telles que la circoncision, les interdits alimentaires, les ablutions rituelles, etc.

L’Apôtre Paul affirme, à l’encontre de ceux qui se glorifient d’une observance littérale légale pour se prévaloir d’être des justes, que «nul n’est justifié devant Dieu par les œuvres de la Loi», mais que la Justice vient de Dieu, qui nous a rachetés par Jésus-Christ, de telle sorte que nous sommes justifiés non par les œuvres résultant de la mise en pratique de la Loi mais par la Foi en Jésus-Christ (III, 20-22-28). Paul insiste sur la gratuité du Salut, reçu comme une «Grâce» ou «Don» et non acquis comme une «chose due» (IV, 4 ; 5, 15 ; 6, 23).

L’Épître aux Galates, probablement rédigée peu de temps avant l’Épitre aux Romains, aborde le même sujet, moins comme réflexion systématique que comme réponse à un contexte déterminé: le contentieux avec Pierre, accusé par Paul de vouloir forcer les païens à se judaïser, malgré la décision de l’assemblée de Jérusalem (II, 14). Quand Paul y affirme déjà que «l’être humain n’est pas justifié par les œuvres de la Loi, mais par la Foi en Jésus-Christ» (II, 16), il est clair que les œuvres en question désignent les prescriptions alimentaires des «circoncis» (II, 12; 5, 2).

Quant à la Loi qui «est accomplie dans une seule Parole: « Tu aimeras Ton prochain comme Toi-même »» (V, 14), il importe, au plus haut point, de l’observer car «la Foi agit par la Charité» (V, 6) et, du reste, c’est en portant le fardeau les uns des autres que l’on accomplit la Loi du Christ (VI, 2).

Le point de vue de Jacques

L’Épître de Jacques insiste sur cet aspect complémentaire d’une foi opérative: non seulement «la foi sans les œuvres est morte» (II, 17), incapable à elle seule de sauver (II, 14), mais c’est à l’aune des œuvres que se mesure la Foi (II, 18). Jacques assène un argument-massue: ceux qui, par définition, ont la foi sans les œuvres, ce sont… les démons (II, 20)! Même Abraham, le Père des croyants, «fut justifié par les œuvres, lorsqu’il offrit son fils Isaac sur l’Autel»; ainsi, «la Foi coopérait à ses œuvres et c’est par ses œuvres que sa Foi fut rendue parfaite» (II, 21-22).

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Le « Sola Fide » de Martin Luther

Comme déjà vu plus haut, pour Martin Luther, le choix de sa vocation de moine, à l’occasion d’un éclair de foudre, était motivé par la crainte de la mort et la perspective d’un Au-delà terrifiant. Au couvent d’Erfurt, cependant, Luther traversa une grave crise spirituelle, saisi d’épouvante à l’évocation du Juge qui punit les pécheurs.

Luther avait donc un sens aigu du péché et, de par son caractère, était, sans doute, en proie aux scrupules et à l’angoisse.

Les maîtres de Luther avaient été marqués par la théologie de Guillaume d’Ockam, qui insistait sur les efforts méritoires de l’être humain, tout en laissant au Choix de Dieu la possibilité d’agréer ou non les bonnes œuvres. En 1515-1516, Luther avait commenté l’Épître aux Romains à l’Université de Wittenberg. Il concevait déjà le péché originel non comme une privation de la Justice originelle, mais comme «la concupiscence dans toute son ampleur», la perte irrémédiable de toutes les capacités du corps et de l’âme.

Dans ce cours, Luther exposait l’affirmation selon laquelle le croyant est « simul peccator et justus »: pécheur en réalité mais juste en espérance. Luther parlait de l’Église comme de «l’infirmerie de ceux qui sont malades et destinés à être guéris», seul le Ciel étant «le palais des gens bien portants et justes». Par conséquent, Martin Luther buttait sur la question de la Justice de Dieu.

Il est possible de  rendre justice à la question fondamentale de Luther: «Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux?» et regretter que cette question soit, de nos jours, passée à l’arrière-plan, en raison de la perte du sens du péché, alors que le péché déplait à Dieu. Luther fut donc bouleversé de découvrir, lors d’une fulgurante intuition, que la Justice est un Don de Dieu reçu passivement.

Luther identifia le légalisme judéo-chrétien condamné par l’Apôtre avec l’ordre de la vie de l’Église catholique, laquelle lui apparut alors «comme l’expression de l’esclavage de la Loi, à laquelle il oppose la liberté de l’Évangile».

S’élabore ainsi sa Théorie de la Justification, qui devient le critère de la Foi chrétienne et que la Confession d’Augsbourg exprime ainsi:

«Nous ne pouvons pas obtenir la rémission des péchés et la Justice devant Dieu par notre propre mérite, par nos œuvres ou par nos satisfactions, mais nous obtenons la rémission des péchés et nous sommes justifiés devant Dieu par pure Grâce, à cause de Jésus-Christ et par la Foi – lorsque nous croyons que Christ a souffert pour nous, et que, grâce à Lui, le Pardon des péchés, la Justice et la Vie éternelle nous sont accordés. Car Dieu veut que cette Foi nous tienne lieu de Justice devant lui, il veut nous l’imputer à justice.» (Article 4).

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Livraison de la Confession d'Augsburg - 25th June 1530 - École allemande

Livraison de la Confession d’Augsburg – 25th June 1530 – École allemande

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L’on peut donc résumer la position de Luther avec les points suivants:

1. L’être humain est fondamentalement corrompu par le péché originel dans la mesure où son libre vouloir n’est plus en mesure de choisir le Bien. Les œuvres accomplies avant la Justification paraissent ainsi n’être que des péchés.

2. Même justifié, l’être humain demeure radicalement pécheur, Dieu, simplement, au vu des Mérites du Christ, n’imputant pas son péché au pécheur.

3. La gratuité de la Rédemption exclut tout concours actif de l’être humain même à l’accroissement de la justification.

Toutes les confessions chrétiennes défendent le principe de la Justification par la Foi, la singularité du Protestantisme réside dans l’adjectif « seule » associé à ce principe. Ce sont les fameux « Solas » qui sont l’ossature du Message de la Réforme: «À Dieu Seul la Gloire; par la Grâce seule, par la seule Foi, en la seule Écriture.».

Pour entendre cette radicalité, il faut revenir au commencement de la Réforme. Au début XVIème siècle, Luther est entré au couvent, suite à un vœu qu’il a fait, un jour d’orage, alors qu’il croyait sa dernière heure arrivée. Cette démarche révèle la conception d’un Dieu Qui protège et bénit Ses enfants en fonction de leur dévouement et de leurs bonnes actions.

Le problème de cette approche est qu’elle enferme le croyant dans sa logique, car l’on n’en fait jamais assez pour Dieu. Luther multipliait les veilles, les jeûnes et les exercices spirituels pour essayer de vivre à la hauteur de ce qu’il croyait que Dieu attendait d’un « bon moine », mais plus il s’imposait d’ascèses, plus il jugeait ses mérites imparfaits.

C’est la découverte de la Justification par la Foi qui l’a libéré de cette logique mortifère. En méditant les Psaumes et les Épitres de Paul, Luther a évangélisé sa compréhension de Dieu. Il a compris que la Justice de Dieu, ce n’était pas Dieu qui le jugeait en fonction de ses œuvres, mais Dieu qui le voyait comme un Juste à travers Son Fils Jésus-Christ.

Cette expérience vécue de Martin Luther est le fondement de la Réforme: Ce ne sont pas nos actes de justice qui nous rendent justes devant Dieu, c’est parce que nous sommes justes en Jésus-Christ que nous pouvons accomplir des actes de justice. Pour Luther, cette expérience a été si libératrice qu’il n’a plus supporté tout ce qui occultait ce principe dans l’Église de son temps, c’est ainsi qu’il s’est élevé contre le trafic des indulgences qui croyaient pouvoir monnayer la Grâce de Dieu.

L’un des points importants de la Réforme concerne la façon dont le réformateur Martin Luther a compris l’Apôtre Paul. Les historiens soulignent qu’une question qui obsédait Luther à l’époque où il était encore moine augustin, marqué par le Nominalisme de Guillaume d’Ockam, était: «Comment obtiendrai-je un Dieu favorable?». Autrement dit: Comment se procurer une justice suffisante pour se tenir devant le Dieu Omnisaint? Si la piété populaire l’orientait vers les œuvresjeûnes et privations, oraisons, indulgences, notamment –, l’imperfection de ces œuvres, ainsi que la conscience d’un égoïsme et d’un amour-propre persistants, semblaient rendre la Faveur de Dieu hors de portée.

D’ailleurs, l’idée de la Justice de Dieu révélée parfaitement par le Christ – telle que nous la voyons, par exemple, dans le Sermon sur la Montagne –, loin d’encourager Luther, lui était insupportable, car, de toute évidence, la Justice requise du disciple devait être parfaite (Matthieu V, 48)! Cette quête tourmentée de la Justice a pris de telles proportions que, par moments, Luther vivait son rapport avec Dieu comme un objet de haine plutôt que comme une relation d’Amour!

Voici ce qu’il dit, dans un célèbre texte, de 1545:

«Je haïssais, en effet, ce terme «Justice de Dieu», que j’avais appris, selon l’usage et la coutume de tous les docteurs, à comprendre philosophiquement comme la Justice formelle et active, par laquelle Dieu est juste, et punit les pécheurs et les injustes. […] Or, moi qui, vivant comme un moine irrépro­chable, me sentais pécheur devant Dieu avec la conscience la plus troublée et ne pouvais trouver la Paix par ma satisfaction, je haïssais d’autant plus le Dieu juste qui punit les pécheurs, et je m’indignais contre ce Dieu, nourrissant secrètement sinon un blasphème, du moins un violent murmure; je disais: «Comme s’il n’était pas suffisant que des pécheurs misérables et perdus éternellement par le péché originel soient accablés de toutes sortes de maux par la Loi du Décalogue, pourquoi faut-il que Dieu ajoute la souffrance à la souffrance et dirige contre nous, même par l’Évangile, Sa Justice et Sa Colère?».

Le dénouement de cette crise eut lieu grâce à la découverte que «la Justice de Dieu» n’est pas d’abord celle que Dieu exige mais celle qu’Il donne. Luther poursuit:

[…] « Alors que je méditais, jours et nuits, je remarquai l’enchaînement des mots, à savoir: «La Justice de Dieu est révélée en Lui [= dans l’Évangile], comme il est écrit: « Le Juste vivra par la Foi. ». Alors, je commençai à comprendre que la Justice de Dieu est celle par laquelle le Juste vit du Don de Dieu, à savoir de la Foi et que la signification était celle-ci: par l’Évangile est révélée la Justice de Dieu, à savoir la Justice passive, par laquelle le Dieu miséricordieux nous justifie par la Foi […]. Alors, je me sentis un homme né de nouveau et entré, les portes grandes ouvertes, dans le Paradis même. ».

Inutile de dire que cette expérience vécue par Luther sera déterminante pour son interprétation de l’Évangile. Luther va mettre la Justification uniquement par la Foi seule au centre de son enseignement, et le luthéranisme après lui parlera à ce sujet d’« articulus stantis et cadentis ecclesiae », c’est-à-dire l’article de Foi par lequel l’Église tient debout… ou s’effondre.

Luther et le protestantisme discerneront encore un parallélisme intime entre, d’un côté, la perspective d’un Salut fondé sur les œuvres humaines et, de l’autre, le Judaïsme défini par «les œuvres de la Loi». Tout un pan de la recherche biblique aux xixe et xxe siècles, en Allemagne en particulier, se plaira d’ailleurs à souligner les aspects «commerciaux» dans le Judaïsme touchant à la relation entre Dieu et l’être humain, les œuvres de la Torah permettant au Juif pieux d’amasser des mérites dans le siècle à venir. Quant à la Quête du Salut dans la religion juive, elle va être présentée à la lumière de celle de Luther par rapport à ses propres œuvres: «Ai-je fait assez de bonnes œuvres pour mériter la Faveur et la Justice de Dieu?».

Alors qui a raison? Paul ou Jacques? De nos jours, des prêtres catholiques ont déjà très bien compris que la Foi sans les œuvres ne suffit pas. En voici un exemple sur cette page: « Est-on sauvé par la Foi seule? Que valent les œuvres? ».

La Foi et les œuvres

Dans son livre « Die Welt wie sie sein könnte » [« Le Monde comme il pourrait être »] au sujet de « Par la Foi seule », Herbert Vollmann écrit:

«UNIQUEMENT PAR LA FOI» (1. Romains III, 28)

« Souvent, en des heures de détresse intérieure, Martin Luther avait réfléchi à la question de savoir comment il pourrait subsister devant Dieu, comment il pourrait obtenir Sa Grâce.

Dans sa détresse morale, il prit, en 1505, la résolution d’entrer au couvent des Augustins d’Erfurt.

Mais, là non plus, il ne trouva pas la Paix qu’il cherchait. Il avait beau s’exercer à une foule de bonnes œuvres et faire des pèlerinages et des prières, tout cela ne le rapprochait pas de Dieu. Désespéré, il s’écria: «Que sont les bonnes œuvres que nous faisons, si elles ne nous apportent pas la Clémence de Dieu…?!».

C’est alors qu’un vieux frère de son couvent le rendit attentif à l’enseignement de Paul selon lequel l’être humain agit comme il se doit uniquement par la Foi et sans passer par les œuvres de la Loi (Romains III, 28). Luther finit par trouver un soutien dans ces paroles de l’Apôtre car, appliquées à sa situation, elles signifiaient: «La Justification devant Dieu vient de la Foi et non des œuvres de l’Église.».

En disant: «sans passer par les œuvres de la Loi», Paul faisait allusion à des œuvres bien précises qui étaient accomplies à la lettre seulement afin de prétendre ainsi à un droit quelconque envers Dieu. Ces paroles ne disaient pas que l’homme en somme se tire d’affaire sans œuvres du tout.

Car Paul apporte aussi à sa doctrine de justification un complément lorsqu’il écrit dans son Épitre aux Galates: «En Christ, seule est valable la Foi qui est agissante par l’Amour» (Galates V, 6).

La Foi doit donc se transformer en acte, et cet acte doit être rempli d’amour. Mais Luther voulait seulement admettre la Foi en tant que base et condition de sa justification. Les bonnes œuvres devaient ensuite venir d’elles-mêmes.

Dans un article intitulé «De la liberté d’un Chrétien», il écrivait: «Donc, nous voyons qu’un Chrétien possède tout ce qu’il lui faut avec la Foi; il n’a pas besoin d’œuvres pour devenir pieux» ou encore: que «seule la Foi, sans toutes les œuvres, rend pieux, libre et bienheureux.».

A noter que l’Apôtre Jacques avait déjà été d’une opinion différente. Dans son Épitre aussi présente  Nouveau Testament, il écrivit, comme s’il voulait, dans une certaine mesure compléter et rendre plus claire l’opinion de Paul: «Par les œuvres, la Foi fut rendue parfaite» (II, 22); «Vous voyez que l’être humain est justifié par les œuvres, et non seulement par la Foi» (II, 24); «Comme le corps sans âme est mort, de même la Foi sans les œuvres est morte.» (2, 26).

Le dogme établi par Luther: «Uniquement par la Foi» a donné naissance à beaucoup d’incompréhension et pendant plusieurs siècles il n’a pu être expliqué de façon satisfaisante.

C’est ainsi que, aujourd’hui encore, on reproche aux Luthériens de n’être même plus capables de rendre compréhensible aux êtres humains l’idée fondamentale de Luther, à savoir la Justification par la Foi. Lors de l’assemblée générale de l’Union Luthérienne Internationale qui se tint à Helsinki en 1963, on tenta vainement d’expliquer en termes adaptés à l’époque actuelle la doctrine de la justification de Martin Luther.

Pourtant, la solution est facile lorsque nous dégageons la conception des œuvres de l’homme de l’étroitesse de l’intellect, qui se limite à ce qui est extérieur.

Car les œuvres résultent de la nature entière des actes d’un être humain au cours de l’existence journalière, qu’il s’agisse d’actions visibles ou d’intuitions et de pensées invisibles que l’être humain peut engendrer, à tout moment, grâce à son libre vouloir. Que ses œuvres soient bonnes ou mauvaises, elles lui restent toutes attachées et ne se dissolvent que lorsqu’il s’en détache lui-même. S’il ne l’a pas fait avant sa mort terrestre, elles le suivent alors dans l’Au-delà. Avec de telles œuvres, l’être humain reçoit une grande puissance et une grande responsabilité. C’est pourquoi l’être humain sera jugé selon ses œuvres au cours du grand Jugement de Dieu (Matthieu XVI, 27; Apocalypse XXII, 12).

Naturellement, les œuvres mentionnées par Paul et Luther en font partie également: ce sont celles qui sont accomplies par habitude ou seulement à la lettre, ou encore par calcul en vue d’obtenir quelque chose, que ce soit ici sur le plan terrestre ou dans l’Au-delà. Il est évident que de telles œuvres ne peuvent trouver de Justification devant Dieu.

Voilà pourquoi tous deux condamnent ce genre d’œuvres, car la véritable Foi leur fait défaut.

Ce n’est donc ni la Foi seule, ni les œuvres seules qui suffisent à apporter une Justification devant Dieu.

La vraie Foi, de même que les vraies œuvres sont également nécessaires à cet effet. La vraie Foi est la Foi vivante et non la foi aveugle. Elle est fondée sur la conviction acquise par un examen rigoureux et objectif.

Les œuvres justes sont de bonnes œuvres qui ne sont pas consacrées à des activités extérieures, mais qui viennent de l’être intérieur et qui, issues de l’âme de l’être humain, sont toujours en harmonie avec les Lois de la Création. Cela exige une inébranlable Vigilance, parce que l’être humain engendre constamment des œuvres, c’est-à-dire des intuitions, des pensées et des actes. Il lui faut simplement veiller à ce que ces œuvres s’adaptent, par un acte de sa volonté, aux Lois de Dieu. Une Foi intérieure profonde, une Foi issue de la Conviction y contribue. Tel est le rapport existant entre la Foi et les œuvres de l’être humain.

Il est fait allusion à cet être si vigilant dans la Parabole des Vierges Sages (Matthieu XXV, 1-13). Il maintient son esprit vivant grâce à l’effort constant qu’exige une pareille vigilance, et c’est par la vivacité de son esprit qu’il devient alors un «juste» au sens biblique du terme, un être humain qui se maintient comme il se doit dans la Volonté du Créateur, qui fait ce que veut le Créateur. Il devient un être qui agit selon la Parole et ne se contente pas d’être un auditeur (Jacques I, 22). C’est en cela que repose sa justification par laquelle il montre en même temps qu’il a pleinement conscience de sa responsabilité devant Dieu. Ainsi, par sa Foi et par ses œuvres, il participera finalement à la Grâce de Dieu. ».

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Luther prêche avec sa traduction de la Bible - Hugo Vogel

Luther prêche avec sa traduction de la Bible – Hugo Vogel

1 Commentaire

  1. Deh Assy

    La Foi et les œuvres.

    Seule une foi véritablement vivante dans la conviction peut produire des œuvres s’inscrivant dans les lois parfaites divines.

    Grand merci à l’auteur de l’article.

    Réponse

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