Ecole de l'art de vivre

«Ignatius, ou une causerie  sous le châtaignier» – «Juliette»

par | 5 Avr 2024 | Autres Articles, Moralité et comportement, Regards sur le Monde | 0 commentaires

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«Ignatius, ou une causerie

 sous le châtaignier»

«Juliette»

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Page 67 à 76, chapitre 4, «Juliette» – Extrait N°2.

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– Roman initiatique –

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Ami lecteur!

Nous avons précédemment présenté un personnage singulier, Ignatius, tiré d’un roman initiatique, qui, en réalité, n’est pas une fiction mais une narration qui met en scène des personnages réels, quelque peu «habillés» pour les besoins de l’ouvrage…

Ici, intervient une enfant de 8 ou 9 ans dont la vivacité d’esprit la conduite à des interrogations qui invitent à de profondes réflexions: le temps, l’espace, la Création, la matière…!

L’action se déroule dans le sud de la France sur la terrasse d’une place ensoleillée où quelques amis sont réunis autour d’une table pour parler, un peu à la manière du «Neveu de Rameau» de Denis Diderot

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Chapitre 4

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Juliette

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Cheveux hirsutes à la façon d’un hérisson paniqué qui traverse la route, l’épique professeur Ignatius ne se rendait pas compte du volume incroyable de sujets qu’il était en train de dépaqueter.

Il venait d’ouvrir une boite à notions comme on décapsule une boite de sardines hermétiquement fermée depuis des siècles. Il se sentit alors obligé de s’extraire lui-même de ses propres formules gribouillées à la craie blanche sur le tableau vert de la classe de son cours de philo, conscient qu’il fallait offrir comme viatique à ses élèves une ultime image avant que ne se mette à hurler la sonnerie de la récré.

  • Imaginez que la grande, l’immense Création se situe sous la Partie Divine qui, elle-même, est à l’extérieur du cadre.
  • Quel cadre?
  • On y arrive, un peu de patience, je vous prie!
  • La Partie Divine, est-elle partout?
  • Certes non! Si l’on peut imaginer une partie créée, ou une création, cela sous-entend qu’il y a une autre chose qui ne l’est pas, qui n’est pas créée, qui est de facto incréée. Elle n’est donc pas une partie; elle n’est ni limitée, ni délimitée. J’aime à citer que «c’est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part…».
  • Pourquoi un cercle?
  • Parce que c’est la première forme visible naturelle! regarder une pierre qui tombe dans l’eau, elle forme un cercle, quelle que soit sa forme ou l’endroit de sa chute…
  • C’est peu compréhensible.
  • Naturellement! Si un animal ne pourra jamais saisir la pensée humaine, un être humain ne pourra guère plus espérer saisir les Desseins du Très-Haut? Étant assujetti à l’espace-temps comme l’est son cerveau, l’homme ne peut appréhender le monde que dans les limites autorisées par la constitution de son intellect!
  • C’est du bon sens; il y a par là-même des choses que l’on ne comprendra jamais…
  • C’est le début de l’humilité!
  • Donc?
  • Cette création est donc divisée en trois parties distinctes. Prenez l’image d’une fontaine à trois bassins, sur trois niveaux, comme celle d’Aix en Provence, que vous connaissez bien Mademoiselle Sibylla!
  • Fort bien, c’est exact!

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Fontaine de la Rotonde - Aix-en-Provence

Fontaine de la Rotonde – Aix-en-Provence – Crédit

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Sibylla pensait qu’il était évident que cet insolent d’Ignatius connaissait aussi la fontaine de la Rotonde d’Aix-en-Provence«Si on lui avait parlé d’une fontaine en plein désert de Gobi, il en aurait inventé une et l’aurait décrite plus vraie que nature, à condition toutefois qu’elle ait existé!», pensait-elle avec un sourire si franc qui ne put échapper à cette petite assemblée!

– Et bien dans la partie supérieure, le premier bassin, siègent des entités représentées ici par des mascarons cracheurs d’eau. Ce sont des entités qui personnifient les grands principes, masculins et féminins, tels que la fidélité, la féminité, l’héroïsme, la justice, la maternité, le patriotisme, le foyer, les arts, etc… Ces archétypes sont de gigantesques aimants qui propulsent leurs Forces-Lois vers le bas, mais attirent magnétiquement en retour les composants de leurs genres les plus purs, afin pour établir un circuit vital, comme les pulsations du cœur qui rythment la circulation du sang, ou l’eau du bassin de la fontaine qui est pompée et refluée vers le haut!

– Que représente le second bassin?

– L’accès au second bassin s’établit grâce à un pont qui permet d’écouler les forces archétypales du premier bassin et de les diriger plus bas, afin de les transformer. Il est évident que plus on s’éloigne du point de départ, plus le refroidissement et la densification s’opèrent. Ce plan est le plan spirituel qui est le lieu de conception des germes d’esprits du futur être humain qui se développera et évoluera dans le troisième bassin. Mais c’est aussi le lieu de leur «retour» à la «maison-mère!», lorsqu’ils auront acquis la-pleine-conscience, ou la perfection. C’est donc ici que se situe ce que l’on nomme le Paradis!

– Et le troisième…

– Immensément éloigné du sommet, Le Château de l’Olympe fait la jonction avec le troisième bassin, ou la zone temporelle dans laquelle nous vivons. Il est le lieu de séjour des esprits d’évolution que nous sommes. Évolution signifie ici mûrir en acquérant de l’expérience. L’esprit humain, doté du libre vouloir, donc d’une volonté propre, est cependant mû par les forces de la nature qui fournissent la lumière et la chaleur, ce qui lui permet le mouvement!

– La table est servie!

– En effet; l’homme peut s’abreuver et boire à la source… ou pas!

– C’est tout?

– C’est tout.

* * *

Sibylla était un peu étourdie mais emballée par la démonstration presque élémentaire qu’Ignatius venait de livrer. On sentait bien que la belle artiste était conquise par la simplicité et la fluidité de ces explications.

Mais cette image de la Création appelait des myriades d’autres interrogations que seules des années de recherches ardues pourraient satisfaire. Avec cette métaphore de la fontaine, toutes les Lois se mettaient en mouvement et la Création entière semblaient s’animer par elle-même. Elle saisissait mieux que des entités joyeuses et espiègles comme les ondines qui dansaient au milieu de ces vasques, aient été reconnues et placées ici par les architectes qui leur rendaient un hommage éternel.

Force lui fut de reconnaitre que même dans les ouvrages les plus hermétiques dont elle disposait sur les étagères de sa bibliothèque, une telle connaissance avait échappé à leurs auteurs. Mais sans doute aurait-elle une explication plus tard!

Ignatius avait décliné avec tant de candeur et de naturel autour d’un sujet universel que – disait-il – les enfants en début de scolarité devraient déjà en avoir connaissance. Si les parents pouvaient répondre aussi simplement à leurs questions existentielles avant qu’on ne leur impose d’ingurgiter le «1515 de Marignan», ou le traité de Paris de 1783 sur les colonies américaines, chacun chercherait très tôt le sens de sa vie.

A l’évidence, bien des enfants se posent très tôt ces questions existentielles, lorsqu’en guise de réponse, on entend leurs parents justifier leur incompétence ou leur incurie par des formules du type:

– Je n’ai pas le temps, on verra ça plus tard!

Ou:

– Tu es trop petit, attends un peu de grandir!

Et pire encore:

– De quoi te mêles-tu!

Ignatius me fit un clin d’œil furtif et malicieux. Ce sujet avait réveillé en nous des souvenirs complices et, n’étant pas les derniers à mettre à jour nos excentricités estudiantines – que seuls le temps des campus autorisent -, nous proposâmes derechef:

– Voulez-vous, Mademoiselle Sibylla, qu’en duo l’on vous conte un échange mémorable que nous eûmes, il y a quelques années, avec la petite Juliette?

Cette enfant, qui devait avoir 6 ou 7 ans, se posait déjà des questions d’une rare teneur. Il nous a plu d’aménager cet entretien à la manière d’une pièce de théâtre, tant la pertinence des questions invitait à un jeu de scène.

Ainsi, nous avions créé quelques personnages de grossières caricatures afin de les mimer et de se moquer un petit peu plus de… nous-mêmes.

Nous nous vêtîmes séance tenante de nos costumes de scène fictifs pour un court sketch intitulé:

La métaphysique de Juliette

 – Moi-même (Anselme):

Une enfant de huit ans, Juliette, vint me voir avec sa mère très «comme il faut» et me demanda:

Moi-même à nouveau, dans le personnage de Juliette:

– « Monsieur Ignatius, si je fais tomber mon crayon par terre et qu’il n’y a pas de parterre, où c’est qu’il va mon crayon? ».

Sa mère décroise et recroise ses jambes, amorce une légère pandiculation, racle sa gorge en se recoiffant benoîtement et assoit enfin sa maternelle autorité:

– Juliette, n’embête pas Monsieur Ignatius avec ça!

Et c’est alors qu’intervient Ignatius, le Diogène des temps modernes, aussi à l’aise, il faut dire, avec un sujet comme celui-ci que Platon avec sa caverne!

Cette question, qui n’aura probablement jamais de réponse rationnelle, restera une énigme sans fin … ou presque! Plusieurs se sont essayés à bien des anticipations subjectives …

– « Alors Monsieur Ignatius, tu me réponds? Si je fais tomber mon crayon par terre et qu’il n’y a pas de parterre, où qu’il va mon crayon? »

Imperturbable, Ignatius-Diogène, fier comme un aurige avant la course de char, entre en scène avec ses costumes interchangeables. Enfermé dans son cynisme maladif, que lui rend bien son éternel nœud papillon – qu’il porte même pour aller à la déchèterie -, il sort de son tonneau des Danaïdes, toutes griffes dehors, et commence une démonstration en s’adressant à une assemblée fictive dont l’équilibre ne tient que par ses différences…

Ainsi ont-ils parlé (Zarathoustra était absent et excusé!):

Moi-même, à nouveau :

Le bon:

– Je n’en sais rien… (Réponse d’Ignatius…)

La brute:

– Je m’en fous!

Le truand:

– Ça va me rapporter combien, si je te le dis?

Le rationnel:

– Cette gosse pose trop de questions, n’a-t-elle rien de mieux à faire à son âge?

Le déjanté:

– Pourquoi un crayon et pas un autre truc? 

L’avare:

– Un si beau crayon qui a dû coûter si cher, quel gâchis!

L’avare juif: (Est-ce un euphémisme ou encore un sarcasme de Diogène?!)

– Il ne doit pas coûter cher ce crayon, pour qu’on le jette par terre!

L’angoissé:

– Mais si c’est moi qui tombe, je vais chuter … dans le Néant! Comme le bateau sur la mer plate qui tombe dans le vide là où l’océan s’arrête!

La petite Juliette suffoque, puis se reprend, et, avec l’impétuosité que lui autorise son âge, intervient fermement pour rétorquer:

– Mais Monsieur Ignatius, l’océan, lui, il s’arrête, alors pourquoi le vide, lui, il s’arrêterait pas?

L’existentialiste:

– Que ce stylo tombe ici ou là, qu’importe, sa durée de vie est limitée. De toute manière, qu’il tombe sur le sol ou dans le vide, l’issue sera la même. Donc un stylo ne sert à rien!

Le fataliste:

– On n’y peut rien, c’est son destin, car c’est celui qui l’a jeté (au sol!) qui l’a voulu!

Le scientifique:

– Il y aura forcément une butée quelque part pour arrêter l’objet, puisque tout est fait de matière! Et puis il sera pulvérisé quand il atteindra le Zéro Absolu (-273°Celsius), qui est le seuil de la dissolution de la matière, selon l’Évangile de Saint-Isaac (Newton)!

Le philosophe:

– L’espace et le temps sont nés avec la Création selon une Volonté supérieure, pour un but déterminé que l’homme devra découvrir par lui-même. La matière est liée au temps et à l’espace, et il aura fallu beaucoup de temps pour fabriquer de la matière! L’antimatière est cette qualité qui fait que le temps et l’espace n’existent plus. C’est la raison pour laquelle on dit: Éternel…

L’espace et le temps ne peuvent exister l’un sans l’autre. Le temps n’existe que si j’ai une distance à parcourir d’un point à un autre.

Ce qui veut dire que le temps est une unité de mesure pour évaluer une certaine distance. Jadis, on disait qu’il fallait bien 2 jours à cheval pour atteindre tel ou tel lieu.

Le temps est donc une notion mesurable, mais subjective, donc relative

On peut mesurer le temps que mettra cet objet pour atteindre le sol, mais s’il n’y a pas de sol, cet objet va atteindre… quoi?!

Juliette, dans une longue expiration emplie de doute, fixa de son regard un point, là-bas, quelque part vers Sirius:

– Ach, Monsieur Ignatius, ça veut dire qui y a toujours quec’ chose qui s’arrête, même là où on voit pas…

Pendant qu’Astrid C….de la B…, la mère de Juliette, farfouillait dans son sac à main pour éteindre un téléphone portable dont la sonnerie ridicule sortit certains de la somnolence, des zélés de la rive gauche poursuivaient leurs déclinaisons:

Le rhéteur:

– Exact! Filmez une auto qui roule entre 2 points; si on accélère le film, l’auto disparait de la vue à partir d’une certaine vitesse. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas, mais qu’elle est sortie de ma perception visuelle; mais pas de mon champ de vision; pourtant la preuve qu’elle existe est qu’elle est toujours dans le cadre, puisque si je réduits la vitesse, elle va réapparaître!

Le claquement sec de la bulle du Malabar de Juliette laissa totalement indifférents nos penseurs en goguette qui oublièrent la bienséance exigée dans ce saint lieu…

Le métaphysicien:

– C’est le temps qui donne une légitimité à son existence. La seule vraie unité de mesure est la notion du temps qui apporte la preuve de l’existence de la matière et de l’existence dans la matière…Sans le temps, nous n’existons pas. Exister, c’est expérimenter!

– He! M’sieur Ignatius, si j’comprends bien, le temps c’est fait pour apprendre?

Le mathématicien :

– Le fonctionnement du monde s’explique par «le nombre, le poids et la mesure», disait Salomon. Une goutte d’eau qui tombe dans une flaque livre tous les secrets des Lois de la Création.

La première mesure établie par les égyptiens de l’antiquité provient d’une goutte d’eau du Nil qui tombe d’un crayon sur une surface plane et imperméable. Cette unité universelle est devenue l’étalon de référence dérobé aux Égyptiens par les Français au 18ème siècle: le centimètre… Oui, une goutte d’eau qui tombe mesure 1 centimètre! Les mathématiques permettent alors d’expliquer au Créateur comment Il a réussi à faire une goutte d’eau! C’est fou, non?!

Le dialecticien:

– La question est une réponse: pourquoi n’y aurait-il pas de parterre?

– Bah ! Monsieur Ignatius, si mon crayon tombe là ou y a rien, je peux rien mesurer donc je peux jamais exister? (soupirs…)

Le spiritualiste: 

– Le temps est une notion qui nous permet de prendre conscience qu’on le traverse et qu’il est différent selon l’éloignement de plans plus élevés. La pesanteur «épaissit» ou densifie la notion du temps! Alors, plus on s’éloigne, plus on est lent et, en quelque sorte, on n’est plus dans l’immédiateté de la prise de conscience.

Or, prendre conscience impose de s’extraire de la chose-même que l’on observe, qui conduit à la finalité que l’on peut nommer la pleine-conscience-de-soi-même!

Atteindre cette conscience est cette qualité qui permet de sortir de l’espace-temps.

– Çà alors Monsieur Ignatius! On est donc coincé dans une boite comme Billy – mon poisson rouge – dans son bocal!

Le sage: 

– Oui! Et vous avez tous raison. Car tout ce qui est créé est lié à un espace-temps qui est formé de manière différente selon l’éloignement de son point de départ. Et ce point de départ est au sommet d’un royaume extrêmement éloigné de la Terre. Cette Force qui permet de mettre ces plans en mouvement agit selon une Volonté Supérieure qui s’appelle… Dieu!

C’est ainsi que se forme un mot que l’on ne comprendra jamais: l’Éternité!

– Ach, Monsieur Ignatius, est-ce que toi tu voudrais bien être éternel?

– Je veux bien, chère Juliette, mais pour combien de temps?

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Fontaine multi-niveaux

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