.
La fille de Jephté
.
Introduction – Les sacrifices humains dans la Bible
Dans la Bible la Loi de Moïse, à une époque, a-t-elle prescrit les sacrifices humains? Pour tenter de répondre à cette question, nous nous intéressons ici au célèbre épisode connu sous le nom « La fille de Jephté ».
L’histoire
L’histoire « La fille de Jephté » se trouve dans la Bible (Ancien Testament), dans le Livre des Juges, chapitre 11:
Livre des Juges
« 01 Jephté de Galaad était un vaillant guerrier. Il était le fils d’une prostituée. C’était Galaad qui l’avait engendré.
02 Puis la femme de Galaad lui enfanta des fils qui, lorsqu’ils eurent grandi, chassèrent Jephté, en lui disant: «Tu n’auras pas de part d’héritage dans la maison de notre père, car Tu es le fils d’une autre femme, Toi!».
03 Jephté s’enfuit loin de ses frères et s’établit, dans le pays de Tob. Des vauriens s’associèrent à lui et ils faisaient avec lui des expéditions.
04 Quelque temps après, les fils d’Ammone vinrent combattre Israël.
05 Comme les fils d’Ammone combattaient Israël, les anciens de Galaad allèrent chercher Jephté au pays de Tob.
06 Ils lui dirent: «Viens, sois notre commandant, et nous combattrons les fils d’Ammone.».
07 Jephté répondit aux anciens de Galaad: «N’est-ce pas votre haine qui m’a chassé de la maison de mon père? Pourquoi venez-vous vers moi, maintenant que vous êtes dans la détresse?».
08 Les anciens de Galaad dirent à Jephté: «C’est bien pour cela que maintenant nous sommes revenus à Toi, pour que Tu viennes avec nous combattre les fils d’Ammone, et pour que Tu sois notre chef et celui de tous les habitants de Galaad.».
09 Jephté répondit aux anciens de Galaad: «Si vous me faites revenir pour combattre les fils d’Ammone et que le Seigneur les livre à ma merci, moi, je serai votre chef.».
10 Les anciens de Galaad lui dirent alors: «Le Seigneur sera Témoin entre nous, si nous n’agissons pas selon Ta parole.».
11 Jephté partit avec les anciens de Galaad; le peuple en fit son chef et son commandant. Jephté redit toutes ses paroles devant le Seigneur, à Mispa.
12 Jephté envoya des messagers au roi des Ammonites pour lui dire: «Que me veux-Tu, pour être venu faire la guerre à mon pays?».
13 Le roi des Ammonites répondit aux messagers de Jephté: «C’est parce qu’Israël, quand il est monté d’Égypte, s’est emparé de mon pays depuis l’Arnon jusqu’au Yabboq et au Jourdain. Maintenant rends ce territoire pacifiquement.».
14 Jephté envoya de nouveau des messagers au roi des Ammonites
15 et lui dit: «Ainsi parle Jephté: Israël n’a pas pris le pays de Moab, ni celui des fils d’Ammone.
16 En effet, quand il est monté d’Égypte, Israël a marché dans le désert, jusqu’à la Mer des Roseaux, et il est arrivé à Cadès.
17 Israël envoya des messagers au roi d’Édom, pour lui dire: “Permets-moi, je t’en prie, de traverser ton pays.”. Le roi d’Édom ne voulut rien entendre. Israël envoya aussi des messagers au roi de Moab, qui refusa. Israël demeura donc à Cadès.
18 Puis il marcha dans le désert, contourna le pays d’Édom et le pays de Moab, et arriva à l’est de Moab. Ils campèrent au-delà de l’Arnon et n’entrèrent pas dans le territoire de Moab, dont l’Arnon marque la frontière.
19 Israël envoya des messagers à Séhone, roi des Amorites, roi de Heshbone pour lui dire: “Permets, nous t’en prions, que nous traversions ton pays, pour nous rendre là où nous voulons aller.”.
20 Mais Séhone n’accepta pas qu’Israël traverse son territoire. Il rassembla tout son peuple, qui campa à Yahça, et il livra bataille à Israël.
21 Le Seigneur, Dieu d’Israël, livra Séhone et tout son peuple entre les mains d’Israël, qui les battit. Israël prit possession de tout le pays des Amorites, qui habitaient alors ce pays.
22 Ils occupèrent entièrement le territoire des Amorites, depuis l’Arnon jusqu’au Yabboq, depuis le désert jusqu’au Jourdain.
23 Et maintenant que le Seigneur, Dieu d’Israël, a dépossédé les Amorites en faveur de son peuple Israël, Toi, Tu voudrais le déposséder!
24 Ne possèdes-tu pas ce que Camosh, ton dieu, t’a permis de posséder? Et ne posséderions-nous pas tout ce que le Seigneur nous a donné?
25 Vaudrais-tu donc mieux que Balaq, fils de Cippor, roi de Moab? A-t-il osé chercher querelle à Israël? A-t-il osé combattre contre lui?
26 Lorsqu’il y a trois cents ans, Israël s’est établi à Heshbone et dans ses dépendances, à Aroër et dans ses dépendances, dans toutes les villes qui sont sur les bords de l’Arnon, pourquoi ne pas les avoir reprises à ce moment-là?
27 Ce n’est pas moi qui ai fait une faute contre toi, mais c’est toi qui agis mal envers moi en me combattant! Que le Seigneur, le Juge, juge aujourd’hui entre les fils d’Israël et les fils d’Ammone.».
28 Mais le roi des Ammonites n’écouta pas les paroles que Jephté lui avait fait adresser.
29 L’Esprit du Seigneur S’empara de Jephté, et il traversa les pays de Galaad et Manassé, et Mispa de Galaad. De là il passa la frontière des fils d’Ammone.
30 Jephté fit alors ce vœu au Seigneur: «Si Tu livres les fils d’Ammone entre mes mains,
31 la première personne qui sortira de ma maison pour venir à ma rencontre quand je reviendrai victorieux appartiendra au Seigneur, et je l’offrirai en sacrifice d’ holocauste.».
32 Jephté passa chez les fils d’Ammone pour les attaquer, et le Seigneur les livra entre ses mains.
33 Il les battit depuis Aroër jusqu’à proximité de Minnith et jusqu’à Abel-Keramim, soit le territoire de vingt villes. Ce fut une très grande défaite, et les fils d’Ammone durent se soumettre aux fils d’Israël.
34 Lorsque Jephté revint à Mispa, comme il arrivait à sa maison, voici que sa fille sortit à sa rencontre en dansant au son des tambourins.

Fille de Jephté – James Jacques Joseph Tissot – La fille de Jephté sort à la rencontre de son père « en dansant au son des tambourins ». – Juges XI, 34.
C’était son unique enfant; en dehors d’elle, il n’avait ni fils ni fille.
35 Dès qu’il l’aperçut, il déchira ses vêtements et s’écria: «Hélas, ma fille, Tu m’accables! C’est Toi qui fais mon malheur! J’ai parlé trop vite devant le Seigneur, et je ne peux pas reprendre ma parole.».
Commentaire: Jephté dit à sa fille: « C’est Toi qui fait mon malheur » (c’est comme s’il lui reprochait de venir l’accueillir à son arrivée, ce que – de façon toute naturelle – fait pourtant toute bonne fille!). L’on serait plutôt tenté de dire que c’est elle qui serait en droit de lui dire: « C’est Toi qui fais mon malheur! ». Certes, il est malheureux! Mais c’est pourtant elle qui – la première – est la … victime de ce sacrifice!
« 36 Elle lui répondit: «Mon père, Tu as parlé trop vite devant le Seigneur, traite-moi donc selon Ta parole, puisque maintenant le Seigneur T’a vengé de tes ennemis, les fils d’Ammone.».
37 Et elle ajouta: «Je ne te demande qu’une chose: Laisse-moi un répit de deux mois. J’irai dans les montagnes pour pleurer ma virginité avec mes amies.».
.

La fille de Jephté, dans les montagnes, « pleure sa virginité » avec ses amies.
38 Il lui dit: «Va!». Et il la laissa partir pour deux mois. Elle s’en alla donc, avec ses amies, dans la montagne, et pleura sa virginité. »
.

La Fille de Jephté « pleure sa virginité » avec ses amies.
.
« 39 Les deux mois écoulés, elle revint vers son père, et il accomplit à son égard le vœu qu’il avait prononcé. Elle ne s’était pas unie à un homme. Et c’est une coutume en Israël que,
40 d’année en année, les filles d’Israël aillent honorer la fille de Jephté de Galaad, quatre jours par an. » (Source).
L’on récapitule
Jephté est le fils de Galaad et d’une prostituée. Galaad est également le père d’autres fils engendrés avec son épouse légitime. Devenus adultes, ces fils rejettent Jephté en lui disant:
– «Tu n’hériteras pas dans la maison de notre père, car Tu es le fils d’une autre femme.».
A la suite de ça, Jephté part vivre dans le pays de Tob.
Après la mort du Juge Jaïr, les enfants d’Israël font, hélas, encore « ce qui déplaît à Dieu » en se rendant coupables d’idolâtrie (transgression manifeste du 1er Commandement, le plus important de tous!) un culte à Baal et Astarté. En conséquence, Jéhovah les abandonne aux mains de leurs ennemis, les Philistins et les Ammonites. Afin de sauver les enfants d’Israël, sur la demande des anciens de Galaad qui viennent le chercher dans pays de Tob, Jephté accepte de devenir leur commandant et leur chef, et succède ainsi à Jaïr.
Lorsque les Ammonites déclarent la guerre aux Hébreux, Jephté est choisi comme chef pour les combattre. Avant d’attaquer les Ammonites, Jephté fait le vœu – pour le moins imprudent – d’offrir à Dieu, en holocauste, en cas de victoire, la première personne qui viendra à sa rencontre, lors de son retour chez lui, à Mispa.
Oui mais, voilà – ce qu’il n’avait sans doute pas prévu -, lorsqu’il revient chez lui, c’est nulle autre que son unique fille qui, la première, joyeusement, accourt au-devant de lui, «en dansant au son des tambourins». La première aussi – se soumettant volontairement au destin qui la frappe -, elle lui demande elle-même de tenir la promesse qu’il a faite à Dieu, mais également de lui accorder deux mois pour «pleurer sa virginité» dans la montagne avec ses compagnes. Au bout des deux mois, Jephté voue sa fille à Dieu.
Commentaire: L’expression « Pleurer sa virginité » est ambiguë, car cela pourrait donner l’impression d’une virginité perdue. Or ce n’est pas du tout cela, bien au contraire, puisque, plus loin, au verset 39, il est précisé: « Elle ne s’était pas unie à un homme« , ce qui est bien compréhensible, vu que, dans la montagne, en ce qui concerne ses amies, il n’y avait que des femmes avec elle. Il semble bien que, partie vierge, elle soit revenue vierge. Par conséquent « pleurer sa virginité » semble plutôt vouloir dire: « pleurer son obligation de rester vierge« .
Concernant l’accomplissement du vœu de Jephté, le texte biblique dit simplement: « il accomplit à son égard le vœu qu’il avait prononcé ». Avec ce simple bout de phrase l’on peut tout supposer… Cela veut-il dire que la fille de Jephté – dont l’on ignore le {pré}nom! – a été immolée en sacrifice (« la première personne qui sortira de ma maison pour venir à ma rencontre quand je reviendrai victorieux appartiendra au Seigneur, et je l’offrirai en sacrifice d’holocauste« )?
L’histoire dans l’histoire
Au chapitre suivant – le chapitre 12 – il est raconté que la victoire des hommes de Galaad sur les Ammonites provoque la jalousie des Éphraïmites, qui engagent le combat contre les Israélites et, à leur tour, sont vaincus. Les hommes de Galaad prennent les gués du Jourdain, et lorsque des fugitifs éphraïmites tentent de traverser le fleuve, ils les reconnaissent à leur mauvaise prononciation du mot shibboleth. Ils les forcent à le prononcer, avant de les égorger près du Jourdain.
Le schibboleth apparaît dans le Livre des Juges 12:4-6. Dans cet épisode, les Guiléadites utilisent ce terme pour distinguer leurs ennemis éphraïmites parmi les fuyards. Les Éphraïmites se trompant sur la façon de prononcer la lettre shin, ils écorchaient là le dernier mot de leur vie! Encore aujourd’hui, le mot « shibboleth » désigne un piège linguistique, lorsque que quelqu’un se fait démasquer, lorsqu’il ne sait pas correctement prononcer un mot.
Lorsque Jephté, chef des hommes de Galaad, eut défait les Éphraïmites et pris les gués du Jourdain, de nombreux fugitifs voulurent traverser le fleuve. «Quand un fuyard d’Éphraïm disait: “Laissez-moi passer”, les gens de Galaad demandaient: “Es-tu éphraïmite?”. S’il répondait “Non”, alors ils lui disaient: “Eh bien, dis: ‘schibboleth’!.” Il disait: “sibboleth”, car il n’arrivait pas à prononcer ainsi. Alors on le saisissait et on l’égorgeait près des gués du Jourdain.»
Jephté est resté juge d’Israël pendant six ans. Puis Ibtsan lui a succédé...
Comment comprendre cette histoire?
Ce récit, concernant l’épisode du sacrifice de la fille de Jephté, est susceptible de deux interprétations fondamentales, lesquelles feront pencher dans un sens ou dans l’autre, selon les subtilités de traduction du Livre ou la sensibilité particulière du lecteur…
Première interprétation possible
Une première interprétation affirme que, malgré les apparences, il ne pouvait s’agir pour Jephté d’offrir sa fille en sacrifice par le feu et donc de la tuer, car « Dieu a en aversion les sacrifices humains ». La Loi mosaïque les interdisait selon le Deutéronome, chapitre XVIII, verset 10:
«Il ne se trouvera chez Toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu.».
Mais certains estiment, au contraire – dont Voltaire -, que la Loi mosaïque exigeait les sacrifices, selon Exode, chapitre 22:
«29 Tu ne différeras point de M’offrir les prémices de Ta moisson et de Ta vendange. Tu Me donneras le premier-né de Tes fils. 30 Tu Me donneras aussi le premier-né de Ta vache et de Ta brebis; il restera sept jours avec sa mère; le huitième jour, Tu Me le donneras.».
Selon la première interprétation, Jephté voulait dire qu’il affecterait au Service exclusif de Dieu celui ou celle qui viendrait à sa rencontre. La Loi mosaïque stipulait, en effet, que des êtres humains pourraient vouer leur vie à Dieu. Par exemple, des femmes servaient au Sanctuaire, où elles étaient, par exemple, chargées du transport de l’eau (Exode XXXVIII, 8). Après qu’il lui eut accordé deux mois pour «pleurer sa virginité» son père dut accomplir son vœu et sa fille consentit au sacrifice, qui consistait possiblement à l’envoyer servir à plein temps dans la Maison de Dieu, au Sanctuaire.
Pendant deux mois, dans la montagne, ce n’est donc pas sa mort qu’elle aurait pleuré mais plutôt sa virginité, car chez les Israélites, d’ordinaire, l’on désirait avoir une descendance, afin de perpétuer le nom et l’héritage de sa famille. Jephté, quant à lui, allait, de ce fait, devoir se priver de la compagnie de sa fille unique qu’il aimait tant, ainsi aussi que d’une éventuelle descendance…
A noter que la fille de Jephté ne fut pas la seule à respecter les vœux de ses parents, plus tard le jeune Samuel fit de même (I Samuel I, 11). Cette fois ce fut non pas son père mais sa mère qui fit le vœu de l’offrir à Dieu si Dieu lui donnait un fils. Mais pourquoi aurait-elle fait le vœu de vouloir enfanter un fils pour ensuite le sacrifier par le feu?
Dans maints chapitres de la Bible, Yahweh condamne les pratiques païennes et impures des nations voisines (notamment les sacrifices humains). Comment ce même Yahweh aurait-Il pu Se contredire? Un autre élément de réflexion à considérer c’est le fait que le récit biblique ne mentionne pas précisément « la mort sacrificielle » de la fille de Jephté mais se termine plutôt avec l’indication qu’elle n’avait pas eu de relations avec un homme.
«D’année en année les filles d’Israël venaient louer la fille de Jephté le Guiléadite, quatre jours dans l’année.» (Versets 39,40). Mais pourquoi et pour quoi les filles d’Israël l’ont-elles ainsi – pendant des années – honoré, chaque année pendant quatre jours? L’interprétation la plus plausible est non pas qu’elle « sacrifia sa virginité » mais plutôt qu’elle la consacra, vouant sa vie de Prêtresse à – telle une Vestale – servir Dieu et ainsi honorer la Promesse que son père avait faite à Dieu.
Commentaire
Un être humain – fût-il l’enfant d’un autre – peut-il être responsable de la promesse faite par un autre, fût-il son père? La réponse est simple: C’est non. La responsabilité des êtres humains – pour être totale – n’en est pas moins complètement individuelle et personnelle. Autrement dit: En réalité, selon les Lois de la Création, la fille de Jephté – bien qu’étant indéniablement la fille de son père – n’était – une fois parvenue à l’âge adulte – nullement engagée par une promesse faite … par son père! Elle n’aurait pu être engagée que par une promesse faite … par elle-même!
Cela revient à dire que non seulement Jephté s’était montré imprudent et inconsidéré à faire une telle hasardeuse promesse mais même qu’il n’avait tout simplement pas le droit de la faire! Vis-à-vis de Dieu il pouvait certes faire une promesse l’engageant lui et ayant de possibles conséquences sur lui mais aucunement faire une promesse pouvant avoir des conséquences sur sa fille! Par conséquent, il est possible de dire que la fille de Jephté fut – entre {de gros!} guillemets – « bien bonne » d’accepter – par fidélité filiale – de se sacrifier à cause de la promesse faite par son père, mais qu’en réalité elle n’avait nullement besoin de le faire, car – en toute Justice – Dieu ne pouvait certes pas attendre d’elle la réalisation d’une promesse faite par un autre, donc qu’elle n’avait pas faite elle-même!
Chaque être humain est, en effet, un esprit complètement différent. Les « âmes-groupes » n’existent que dans le Règne animal. Par conséquent, la responsabilité – uniquement liée à l’esprit – ne peut jamais être qu’individuelle. Chaque esprit humain est pleinement responsables de ses pensées, de ses paroles, et de ses actes; jamais de celles et ceux des autres! En réalité ce qu’en français l’on appelle – avec peu d’à-propos – l’« esprit de famille » (en allemand: « Familiensinn » [« sens de la famille »]) n’a, en réalité, que peu – ou même rien – à voir avec l’esprit.
Seconde interprétation
Pour la seconde interprétation, Jephté, tenu par sa promesse, aurait été contraint de respecter sa parole et aurait donc offert sa fille en sacrifice à l’Éternel: Il avait bel et bien promis d’offrir ce qui viendrait à sa rencontre en holocauste à Dieu. Or l’holocauste, dans la tradition israélite, est indéniablement un sacrifice par le feu (les Samaritains le pratiquent encore, pour l’Agneau pascal, sur le Mont Garizim). Certes, la Bible, dans certains passages, proscrit le sacrifice humain, mais – au contraire – en d’autres impose d’immoler les êtres humains voués au Seigneur:
«Tout ce qu’un homme dévouera par interdit à l’Éternel, dans ce qui lui appartient, ne pourra ni se vendre, ni se racheter, que ce soit une personne, un animal, ou un champ de sa propriété; tout ce qui sera dévoué par interdit sera entièrement consacré à l’Éternel. Aucune personne dévouée par interdit ne pourra être rachetée, elle sera mise à mort.».
— « Lévitique », chapître XXVII, versets 28-29. – Traduction de Louis Segond, 1910.

Fille de Jephté offerte en Sacrifice
Ce que la Vulgate exprime par: «Non redimetur, sed morte morietur.». Il était, en effet, expressément ordonné par la Loi juive d’immoler les hommes voués au Seigneur: «Tout homme voué ne sera point racheté, mais sera mis à mort sans rémission.». Par conséquent, la Vulgate traduit cela par: «Non redimetur, sed morte morietur.» (Lévitique, chapitre XXVII, verset 29).
Le point de vue de Voltaire
Voltaire s’est aussi intéressé à l’histoire de la fille de Jephté, dans son article intitulé «Jephté ou des sacrifices de sang humain» figurant dans son Dictionnaire philosophique de 1764 et il a fait remarquer qu’il rappelle d’autres récits de genre mythologique et notamment celui du sacrifice accompli par le roi crétois Idoménée sur son propre fils, dans des circonstances semblables, lors de son retour de la guerre de Troie.
Voici ce que, au sujet de Jephté, dit Voltaire:
«Il est évident, par le texte du livre des Juges, que Jephté promit de sacrifier la première personne qui sortirait de sa maison pour venir le féliciter de sa victoire contre les Ammonites. Sa fille unique vint au-devant de lui; il déchira ses vêtements, et il l’immola après lui avoir permis d’aller pleurer sur les montagnes le malheur de mourir vierge. Les filles juives célébrèrent longtemps cette aventure, en pleurant la fille de Jephté pendant quatre jours.».
Dans une note, il fait référence au chapitre XI des Juges et il poursuit sa démarche en s’appuyant sur les faits rapportés dans les Écritures. De ces faits observés, il conclut que l’existence des sacrifices de sang humain étaient clairement établis en Israël. Source ou copie des us et coutumes en vigueur en d’autres nations, cette tradition était bel et bien inscrite dans les lois du peuple juif. Et pour prouver son assertion, Voltaire de citer le Lévitique.
Voici donc la suite de son argumentation:
«En quelque temps que cette histoire ait été écrite, qu’elle soit imitée de l’histoire grecque d’Agamemnon et d’Idoménée ou quel en soit le modèle, qu’elle soit antérieure ou postérieure à de pareilles histoires assyriennes, ce n’est pas ce que j’examine; je m’en tiens au texte: Jephté voue sa fille en holocauste et accomplit son vœu.
Il était expressément ordonné par la loi juive d’immoler les hommes voués au Seigneur: «Tout homme voué ne sera point racheté, mais sera mis à mort sans rémission.». La Vulgate traduit: « Non redimetur, sed morte morietur. » (Lévitique, chapître. XXVII, verset 29).
C’est en vertu de cette loi que Samuel coupa en morceaux le roi Agag, à qui, -comme nous l’avons déjà dit -, Saül avait pardonné; et c’est même pour avoir épargné Agag que Saül fut réprouvé du Seigneur et perdit son royaume.
Voilà donc, les sacrifices de sang humain clairement établis; il n’y a aucun point d’histoire mieux constaté. On ne peut juger d’une nation que par ses archives et par ce qu’elle rapporte d’elle-même.».
(Voltaire – « Dictionnaire philosophique », Édition présentée et annotée par Alain Pons, Paris, Gallimard, «Folio classique», 1994, pages 331-332).
Questions et tentatives de réponses…
Le vœu irréfléchi de Jephté
Dans le Livre des Juges, chapitre XXIX, chapitre 11, le verset 29 rapporte que Jepthé avait reçu le Saint Esprit.
« Toute personne qui, à mon heureux retour de chez les Ammonites, sortira de chez moi pour venir à ma rencontre appartiendra à l’Éternel, et je l’offrirai en holocauste. » – Juges XI, 31. –
Était-ce une décision pouvant être qualifiée de « raisonnable »? Pas vraiment!
« C’est un piège pour l’homme que de prendre à la légère un engagement sacré, et de ne réfléchir qu’après avoir fait un vœu. » – Proverbes XX, 25. –
Peut-on avoir le Saint Esprit et pécher?
Le vœu de Jephté était manifestement une erreur. Pourtant, selon le Récit biblique, il avait le Saint Esprit sur lui (voir Juges XI, 29). Qu’est-il possible d’en déduire? Qu’avoir le Saint Esprit sur soi n’empêche pas de commettre des erreurs ou de pécher?
Remarque: Le roi David avait aussi le Saint Esprit sur lui, cela ne l’a pas empêché de commettre un adultère avec Bethsabée et de tuer l’époux de celle-ci, pour tenter de masquer sa faute.
Si l’on considère le Psaume 51, l’on peut voir que les versets 1-2 du Psaume 51 précisent que ce psaume de David a été rédigé «lorsque le Prophète Nathan vint chez lui après son adultère avec Bath-Shéba». Au verset 13, l’on peut voir que le Saint Esprit était encore sur lui. Il avait donc commis ce double péché, alors qu’il avait l’Esprit Saint sur lui… A peine croyable!
Voici, en effet, ce que dit le verset 13: « Ne me rejette pas loin de Toi, ne me retire pas Ton Esprit Saint! » – Psaume LI, 13. –
La conséquence du vœu irréfléchi de Jephté retombe sur sa fille
Versets 32 à 33: L’Éternel accorde à Jephté une victoire remarquable sur les ennemis d’Israël. Il va devoir accomplir son vœu.
Versets 34 à 35: Mais l’accomplissement de son vœu va retomber sur sa fille. C’est d’autant plus terrible que ce Juge n’avait pas d’autre enfant, c’était sa fille unique.
Est-ce que Jephté aurait pu imaginer que cela allait tomber sur sa fille? Probablement oui, si l’on reprend les termes de son vœu. Il n’y a rien que de très vraisemblable que – rentrant chez lui – sa fille vienne au-devant de lui l’accueillir.
Jephté a-t-il vraiment sacrifié sa fille?
Jephté a-t-il offert sa fille comme sacrifice humain? (Versets 30 et 31).
.

Fille de Jephté offerte en Sacrifice
.
Les commentateurs bibliques se partagent entre deux interprétations. Selon certains, Jephté a sacrifié sa fille au sens propre du terme. C’était une coutume des peuples alentour. Ils sacrifiaient leurs enfants à leurs dieux, comme Moloch.
Par exemple, dans le Livre des Rois, à l’époque du roi Josias, considéré comme un bon roi:
« Le roi rendit Topheth, dans la vallée des fils de Hinnom, impur, afin que personne ne fasse plus passer son fils ou sa fille par le feu en l’honneur de Moloch. » – 2 Rois XXIII,10. –
Ce n’est, toutefois, pas à cause des peuples voisins idolâtres que Jephté aurait pu le faire, mais uniquement par référence à la Thorah (voir plus haut).
Pour d’autres, toutefois, cette interprétation de l’holocauste ne tient pas, ceci pour plusieurs raisons:
– L’Éternel condamnait ces pratiques – Lévitique XVIII, 21. –
– Et Jephté était un homme qui semblait attaché à Dieu – Juges XI, 9 – Juges XI, 11. –
Jephté est cité dans la liste des Héros de la Foi dans Hébreux XI, aux côtés de grands personnages de l’Ancien Testament –(Hébreux XI, 32-34). Difficile, par conséquent, de s’imaginer que son nom soit cité dans cette liste, s’il avait offert sa fille en sacrifice, en l’immolant par le feu.
Si Jepthé n’a pas sacrifié sa fille au sens premier du mot, quelle serait alors la teneur de son vœu? Ce serait plutôt un vœu de consécration à Dieu. Ce qui impliquerait une virginité perpétuelle. Il existait de tels cas de femmes ainsi consacrées à Dieu.
Les femmes pouvaient, elles aussi, comme les hommes, faire le «vœu de Naziréat» – Nombres VI, 1-2 – Elles pouvaient également servir à la porte du Tabernacle. – Exode XXXVIII, 8. – Elles pouvaient aussi servir dans le Temple:
« Il y avait aussi une Prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était d’un âge très avancé. Elle n’avait vécu que 7 ans avec son mari après son mariage. Restée veuve et âgée de 84 ans, elle ne quittait pas le Temple; elle servait Dieu, nuit et jour, dans le jeûne et dans la Prière. » – Luc II :36-37. –
La Bible relate les histoires d’autres parents qui ont consacré leurs enfants à Dieu…:
Exemple de Samuel:
« Elle fit le vœu suivant: «Éternel, Maître de l’Univers, si Tu consens à regarder la détresse de Ta servante, si Tu Te souviens de moi, si Tu n’oublies pas Ta servante et lui donnes un fils, je le consacrerai à l’Éternel pour toute la durée de sa vie et le rasoir ne passera pas sur sa tête.» – 1 Samuel I, 11. –
Si elle est vraie, cette interprétation expliquerait ce que la fille de Jephté dit à son père aux versets 37 et 38:
« Elle dit encore à son père: «Accorde-moi seulement ceci: Laisse-moi partir pendant deux mois! Je m’en irai, je me rendrai dans les montagnes et j’y pleurerai ma virginité avec mes compagnes.». Jephthé répondit: «Va-s-y!» et il la laissa partir pour deux mois. Elle s’en alla avec ses compagnes et pleura sa virginité sur les montagnes. ».
L’interprétation d’un sacrifice sous forme d’une virginité perpétuelle est plausible. Elle s’éclaire à la lecture des versets 39 et 40.
Il est écrit qu’il «accomplit sur elle le vœu qu’il avait fait», mais sans mentionner qu’il l’aurait tuée. L’accent est mis sur sa virginité: «elle n’avait pas eu de relation avec un homme».
Une célébration annuelle (4 jours par an) est ensuite instaurée pour glorifier la fille de Jephté, en souvenir de sa soumission au vœu de son père, ressenti par elle comme étant la Volonté Divine. Difficile d’imaginer une fête annuelle pour commémorer un sacrifice humain.
Le sacrifice de la fille de Jephté, une analogie avec le Sacrifice de Jésus
Au verset 36 du chapître XI nous pouvons voir la réaction de la fille de Jephté, lorsqu’elle contemple le désespoir de son père. Elle accepte sans hésitation de se soumettre à l’accomplissement de son vœu sur elle. Qu’est-ce que cela révèle de sa personnalité? Obéissance filiale, Humilité, Fidélité, Crainte de Dieu, etc.
Le sacrifice de la fille de Jephté peut, à certains égards, apparaître comme une préfiguration du Sacrifice de Jésus acceptant la crucifixion pour témoigner de la Vérité de Sa Parole. C’était, elle aussi, l’enfant unique de son père. Elle a accepté ce sacrifice en se soumettant au vœu de son père.
C’est donc, d’un certain point de vue, une anticipation du Sacrifice de Christ sur la croix:
Le vœu de son père de sacrifier sa fille est une pure folie
Alors que le Plan de Dieu est pure Sagesse et l’expression parfaite de Son Amour pour nous:
« En effet, Dieu a tant aimé le Monde qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais ait la Vie éternelle. » – Jean III, 16. –
.

Le sacrifice de la fille de Jephté
0 commentaires