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La Sélection naturelle

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La grande crise de notre civilisation (dont nous avons jusqu’à présent observé les principales manifestations), et la mutation progressive dans les conceptions et les modes de vie que cette crise commence à provoquer aujourd’hui (mutation que nous allons désormais étudier au cours de ce second cycle de conférences) s’inscrivent toutes les deux dans le cadre d’un vaste phénomène naturel d’évolution planétaire, qui s’accomplit progressivement sous nos yeux.

Lorsque se produisent certains grands phénomènes naturels, comme des tremblements de terre ou des éruptions volcaniques, par exemple, il arrive souvent que ces phénomènes soient précédés de diverses manifestations préliminaires, telles que des secousses sismiques de faible amplitude, des grondements souterrains, des éclairs, des perturbations du champ magnétique local, etc. La durée et l’intensité de ces phénomènes préliminaires sont très variables. L’intensité peut en être faible, voire imperceptible à nos sens, comme elle peut aussi être de courte durée et de forte intensité. Mais, après cette période avertisseuse, le phénomène se déclenche souvent brutalement, bouleversant complètement l’équilibre ancien pour le remplacer par un nouvel équilibre.

Dans la succession des phases de tout phénomène évolutif naturel, il se produit donc des mutations brusques. Mais ces changements brusques sont presque toujours préalablement préparés et annoncés par des transformations qui, de lentes et imperceptibles qu’elles sont au début, s’accélèrent progressivement et croissent en importance jusqu’à un point de rupture où l’ordre ancien est brusquement et entièrement remplacé par un ordre nouveau.

Il en va exactement de même pour le grand phénomène de mutation de notre civilisation, tel qu’il s’effectue présentement sous nos yeux. Cependant, afin de mieux distinguer la manière dont s’accomplissent les grands processus évolutifs naturels, sans doute conviendrait-il de les considérer à partir d’une échelle d’observation qui nous soit humainement plus proche. Aussi, pour bien comprendre de quelle façon la nature cherche en toutes circonstances à promouvoir l’évolution générale en maintenant entre les règnes vivants ces subtils et rigoureux équilibres biologiques que l’on nomme les équilibres naturels, il nous faut commencer par les observer in vivo.

Les Équilibres biologiques

a) Dans le règne végétal

Dans son livre intitulé « La Fécondité de la Terre » (*) [1] – ouvrage qui fait date dans l’évolution des connaissances agronomiques – le docteur Ehrenfried Pfeiffer écrit:

«Dans la nature, il s’établit toujours un équilibre. Cet équilibre peut être troublé par l’homme ou par d’autres circonstances extérieures. Mais la nature sait se porter secours à elle-même.» (…)

En voici quelques exemples:

«Le tabac, sur un sol pauvre en potasse, est riche en potasse; inversement, il n’en contient que peu si la terre en contient beaucoup. Les chênes renferment du calcaire, surtout dans leur bois et dans leur écorce (jusqu’à plus de 60 % des cendres). Ils peuvent pousser sur du sable ou sur un sol pauvre en calcaire, ils en emmagasinent quand même. Le sarrasin a une affinité prononcée pour le sable et la silice, et se distingue néanmoins par sa richesse en calcaire.»

«Le genêt à balais («sarothamnus vulgaris») est une plante tout à fait étonnante. Elle est parfaitement riche en chaux, qui se concentre dans sa tige et dans ses feuilles (25,03 % de CaO, alors que le sol n’en contenait que 0,35 % Hegi, IV, 3, p. 1185). En outre, ses racines sécrètent de la chaux qui se dépose en cercles sur leur écorce, si bien que c’est la plante qui pourvoit le sol en calcaire. Or, le genêt à balais pousse presque uniquement dans les terrains siliceux.»

«Le beau gazon anglais se parsème de pâquerettes quand la terre devient trop acide. Ce sont des fleurs riches en chaux. Leur présence est un signal d’alarme, car elles indiquent que le sol a dépassé une certaine limite d’«acidité»; en même temps elles apportent le remède sous la forme du calcaire qui combattra cette acidité. Mais on peut se demander où elles le prennent?».

C’est là une question que le Dr Pfeiffer ne se poserait sans cloute plus aujourd’hui. Car la découverte des transmutations biologiques faites par M. Louis Kervran (*) [2], pour contestées qu’elles soient encore aujourd’hui, (comme toutes les découvertes récentes de la science) apportent peut-être une explication des nombreux faits observés par E. Pfeiffer.

«Le robinier (« robinier pseudacacia ») aime les terrains sablonneux et peu néanmoins emmagasiner jusqu’à 75% de CaO. Dans la forêt, ses feuilles fournissent le meilleur engrais, au cas où la chaux manque dans le sol. En outre, il transmet à la terre beaucoup d’azote.»

«La petite oseille (« rumex ocetosella ») pousse sur les terrains acides. Sa cendre est riche en chaux, en acide phosphorique, en magnésium et en acide silicique. C’est un excellent élément pour le compost qu’on destine à la prairie. Le raifort est également un fournisseur de chaux, d’acide phosphorique et de soufre. En outre, il est bon de savoir que les pommes de terre se trouvent très bien dans son voisinage.»

Les plantes exercent en effet les unes sur les autres de profondes influences mutuelles. Les associations végétales naturelles, que l’on nomme aussi la phytosociologie, obéissent à des lois dont nous ne pouvons que constater les effets sans en déceler les causes. Le Dr Pfeiffer en cite de nombreux exemples dont voici seulement quelques-uns:

«Les airelles myrtilles poussent mieux à l’orée des bois de pins et très mal sous les chênes, où elles ne forment presque pas de fruits. Les fraisiers aiment l’humus des conifères. C’est une particularité que l’on a pu mettre à profit en ajoutant un peu d’aiguilles de conifères aux composts destinés à la culture des fraises.»

«L’exemple le plus frappant est celui de l’ail: il influence favorablement la production d’essences parfumées dans les roses. En conséquence, les paysans bulgares plantent de l’ail dans leurs champs de rosiers, ce qui augmente le rendement en essence. Il nous est arrivé de ressusciter des roseraies moribondes en y plantant de l’ail.».

Tous ces exemples sont donnés afin de montrer que des lois naturelles rigoureuses, dont beaucoup nous échappent encore, régissent les rapports entre les êtres vivants et avec leur milieu naturel (écologie), constituant ces surprenants équilibres biologiques, qui s’exercent aussi bien dans le règne végétal que dans le règne animal, au sujet duquel nous allons donner quelques exemples, avant de passer finalement au règne humain.

b) Dans le règne animal

Tous les êtres vivants ont besoin de se nourrir, et c’est dans la nature qu’ils trouvent leur nourriture. Ainsi existent entre les espèces vivantes des interrelations alimentaires que l’instinct animal se garde de perturber. Par exemple, en Somalie ou en Mauritanie, où la gazelle est rare, le lion est monogame et il n’a qu’un ou deux lionceaux par an. Par contre, au Kenya, où le gibier abonde, le lion est polygame et il fait 10 ou 12 petits. En Norvège et au Canada existe un oiseau de nuit nommé le harfang, qui se nourrit de petits rongeurs, en particulier de lemmings. Les années où ceux-ci se mettent à pulluler, le harfang pond plus d’œufs, sachant que la nourriture est assurée pour une nombreuse descendance.

Les lemmings présentent même un cas exceptionnel. Lorsque leur nombre devient si élevé que leur nourriture ne peut plus être assurée, ils se groupent par bandes de centaines de milliers, ils se dirigent en droite ligne vers la mer, en franchissant tous les obstacles qui s’opposent à eux, et s’y noient délibérément.

Dans les eaux douces et dans les mers existent des équilibres semblables: dans les étangs qui ne contiennent pas de brochets, les carpes sont trop nombreuses, aussi s’y développent-elles mal.

La coque spiralée richement colorée d’un triton vivant dans l’océan Pacifique, le Charonia tritonis, est très recherchée par les collectionneurs de coquillages. Pour satisfaire les nombreuses demandes, on lui fit donc une chasse active, ce qui eut pour conséquence d’en réduire considérablement le nombre. Mais le Charonia tritonis est, lui, l’ennemi naturel des polypes qui érigent l’Acanthaster planci. Celle-ci se nourrit des polypes qui érigent les récifs de corail.

Du fait de la disparition de son prédateur, l’Acanthaster planci s’est mis à proliférer et à dévorer les polypes. Or, une expédition belge vient de constater que, par suite de cette rupture d’équilibre biologique, la grande barrière de corail, qui protège la côte nord-est de l’Australie sur 2200 km risque de disparaître; ce qui aura de graves conséquences pour le continent Australien. («Science et Vie» n° 629).

Des dizaines de milliers d’espèces vivantes habitent notre planète et chacune y joue son rôle: le ver de terre aère le sol, grâce à quoi l’herbe y pousse. Celle-ci nourrit l’herbivore qui fume le sol de ses déjections. Les carnivores mangent les plus chétifs, les moins rapides des mangeurs d’herbe, empêchant leur espèce tant de dégénérer que de proliférer outre mesure et de détruire la végétation qui la nourrit.

L’homme est souvent intervenu de façon aveugle dans ces admirables équilibres de la nature. Au siècle dernier, les éleveurs américains ont détruit les coyotes qui attaquaient leurs troupeaux. Les rats, que les coyotes ne chassent plus, causent aujourd’hui des dégâts incalculables dans le Middle-West américain. En France, l’extermination des rapaces de nuit a favorisé la prolifération des petits rongeurs qui dévorent aujourd’hui 12 % de nos récoltes. Les trappeurs de l’Arizona ont exterminé les loups, et les pumas parce qu’ils s’attaquaient aux troupeaux de cerfs, qui étaient leur gibier favori. Les cerfs se mirent alors à pulluler, ils épuisèrent la végétation de leur pays et ils moururent de faim.

Les Égyptiens ont décimé les grands troupeaux d’ibis qui hantent les rives du Nil. Or, l’ibis se nourrit de serpents. En se multipliant exagérément, les couleuvres dévorèrent presque toutes les grenouilles. Et les criquets, que les grenouilles ne mangent plus, ravagent les moissons égyptiennes…

Les mésaventures consécutives à l’introduction de 24 lapins en Australie, en 1859, auraient pourtant dû nous apprendre qu’il est dangereux de modifier des équilibres  naturels, puisque, aujourd’hui, les millions de descendants de ces 24 lapins ont transformé la moitié de l’Australie en désert.

Mais l’homme (qui se croit pourtant intelligent), recommence inlassablement les mêmes erreurs. En Afrique, des chasses inconsidérées ont raréfié l’hippopotame. Jadis fumées par les excréments de ces pachydermes, les hautes herbes du Niger disparaissent aujourd’hui. Les rives du fleuve se délitent, cèdent, et le Niger déborde. Il faudra des milliards et des années de travaux pour le maîtriser alors que la nature, naguère le régularisait gratis!

Dans les années 1950, parce qu’il s’attaquait à leur gibier, les Tchécoslovaques ont exterminé le renard de Bohême. En 1952, le renard n’étant plus là pour manger les bêtes malades et contagieuses, des épizooties ravagèrent la faune sylvestre. Les Tchèques durent importer des renards de Russie qui, en faisant leur métier, ont permis un retour à la santé.

c) Dans l’espèce humaine

Ces exemples montrent ce que sont les équilibres biologiques, leur fragilité et même leur subtilité. L’espèce humaine, à son tour, ne peut échapper longtemps à ces grandes lois naturelles et universelles qui régissent tout ce qui vit sans exception aucune. Le drame est que, en cherchant à échapper aux rigueurs des lois naturelles à l’aide des inventions de leur intelligence, les hommes, comme les lemmings, se soient mis, eux aussi, à pulluler de façon démesurée. Le développement de leur intellectualité les a, certes, pourvus de moyens d’action sur la nature de plus en plus puissants. Mais s’ils sont mal employés (et ils le sont, hélas, trop souvent!) ces moyens sont des armes à double tranchant.

Certes, depuis peu d’années, les hommes ont reconnu nombre de leurs erreurs, c’est pourquoi ils multiplient les parcs nationaux et les réserves naturelles où ils tentent de faire revivre les espèces vivantes menacées d’extinction. Mais ils n’ont pas encore reconnu le danger principal qui menace leur propre espèce.

Le bouquetin a trouvé refuge au Grand-Paradis; le mouflon de Corse à l’Aigoual; l’aigle et l’ours seront sauvés dans le parc des Pyrénées; le bison européen reconstitue son troupeau dans la forêt de Biolowicza comme les bisons américains sont également protégés dans les parcs nationaux de leur pays.

Nous avons arrêté l’assèchement des marais qui privait de leurs lieux de passage les oiseaux migrateurs. De grandes réserves ornithologiques ont été créées, en Camargue, entre autre. Mais le remembrement des terres supprime partout les haies où nichaient jadis les oiseaux qui se nourrissent d’insectes. Ceux-ci pullulent alors et, pour s’en débarrasser, l’homme lutte contre eux avec des poisons de plus en plus toxiques et dangereux qui empoisonnent tout: les oiseaux, les insectes utiles, les sols, les ruisseaux, les rivières, les mers, les aliments humains, intoxiquant ainsi l’humanité elle-même!…

Les hommes se sont donc mis à s’inquiéter de la destruction de plus en rapide de la nature dont ils ne peuvent se passer. Ils ont, certes, compris qu’ils en sont responsables, et ils cherchent à y remédier. Mis ils n’ont pas encore découvert où réside la cause profonde des comportements si souvent aberrants dont ils font preuve, parce qu’ils sont poussés à ces comportements par un déséquilibre qui réside en tout être humain. Un déséquilibre dont il importe que nous prenions conscience au plus tôt afin d’y porter remède, sous peine d’une implacable élimination par les lois naturelles, qui ne font d’exception pour personne. Car la sélection naturelle n’est pas une vue de l’esprit, et elle s’exerce à l’égard de tous de la façon la plus impitoyable.

Un des auteurs qui a le mieux su illustrer ce processus automatique de sélection auquel est soumise l’espèce humaine au même titre que n’importe quelle autre espèce vivante s’opposant aux harmonieux équilibres naturels, c’est Günther Schwab. À la page 80 de son livre «Les dernières cartes du diable», il fait dire les phrases suivantes à l’un de ses personnages fictifs, celui qui est préposé à l’abêtissement de l’espèce humaine:

«L’ordre est le signe de l’Esprit qui règne sur la Nature. Au désordre qui règne dans le monde humain, l’homme peut reconnaître la dégradation de son esprit. J’ai en effet étouffé l’esprit de l’homme sous l’hypertrophie de son intellectualité. Moi, le démon de la Bêtise, je leur ordonne à présent de détruire leur intelligence au moyen des inventions mêmes de leur propre intellect. Et, preuve la plus convaincante de son aliénation, l’homme m’obéit.».

«Dans tous les domaines, l’homme combat les symptômes au lieu des causes. Son esprit qui est, lui, capable de reconnaître, de percevoir, d’analyser [NDLR: En réalité, l’analyse est plutôt un attribut de l’intellect] et de faire des synthèses, est totalement ligoté par la domination permanente de son intellect. C’est ainsi que l’on combat les parasites au lieu de chercher à guérir la terre malade, la douleur au lieu de la maladie, l’armée au lieu de la guerre, les inondations au lieu du déboisement, et qu’on se dirige de plus en plus vite vers le chaos.»

«Parce que, depuis des millénaires, ils ont sans cesse unilatéralement développé leurs seules capacités intellectuelles, au détriment de leurs beaucoup plus subtiles et précieuses facultés spirituelles fondamentales, les hommes sont toujours passé à côté des grands secrets de la Vie et de leur compréhension.»

«L’évolution catastrophique que vous constatez aujourd’hui est ainsi l’aboutissement d’un long processus d’intellectualisation qui devait, certes, s’accomplir, mais qui, pour être positif et favorable aurait dû s’accomplir sous le contrôle [NDLR: Le mot « maîtrise » serait ici plus approprié; le contrôle est plutôt un attribut de l’intellect.] de l’esprit, dont la conscience morale est le mode d’expression. Tandis que, en rejetant arbitrairement ce contrôle de l’esprit, c’est-à-dire le contrôle de la conscience morale qui en est la voix, le développement unilatéral de l’intellect humain a engagé toute l’évolution de l’humanité dans une voie régressive, au terme de laquelle vous allez aboutir à l’Apocalypse.»

«C’est ainsi que l’homme de la technique se bâtit son monde artificiel porteur de mort, monde fébrile, sans repos ni relaxation, monde sans centre de gravité spirituelle, monde qui se précipite tout droit vers l’abîme, poussé par le moteur de l’utilitarisme et fouetté par la cupidité.»

«C’est précisément chez les Occidentaux, les Européens comme les Américains, qui ont représenté pendant des siècles les forces créatrices les plus élevées de l’humanité, que l’imbécilité fait les plus grands progrès. La race blanche doit à l’excellence de son système nerveux résistant et souple sa prépondérance sur les autres peuples. Aujourd’hui, elle n’est plus représentée dans les peuples que par une masse désordonnée de neuropsychopathes, de retardés, de détraqués, de drogués, gouvernés par une clique d’individus amoraux aux fonctions cérébrales hypertrophiées, donc désaxés, une société qui succombe aux produits de sa propre création!».

Ne faut-il voir qu’une diatribe purement littéraire dans cette explication? Ou celle-ci ne recèlerait-elle pas quelque vérité scientifique trop peu étudiée? On aurait tort de passer superficiellement sur des notions aussi importantes, puisqu’il semble que l’avenir de l’humanité doive en dépendre. G. Schwab est d’ailleurs loin d’être le seul à avoir supputé ces questions.

Longtemps avant que G. Schwab ait écrit ces lignes, Alexis Carrel avait noté dans son Journal à la date du 22 octobre 1942 (*) [3]:

«Il semble bien que l’intelligence n’ait pas été capable d’organiser la vie humaine. Le plus beau résultat de l’évolution des formes animales (l’être humain) ne paraît pas devoir être durable, car la race blanche est en train de se suicider. L’évolution s’est-elle engagée dans une impasse, comme elle l’a fait déjà plusieurs fois au cours des innombrables millénaires de son histoire?».

Ces réflexions pessimistes étaient en partie inspirées à A. Carrel par le spectacle du déchaînement meurtrier de la seconde guerre mondiale. Mais ses pensées eussent-elles été moins noires s’il avait pu considérer comment, à notre époque, en temps de paix, se poursuit le saccage insensé de la planète, sa pollution généralisée, la toxémisation de l’espèce humaine, et tous ces crimes contre la nature et contre l’homme que nous avons brièvement énumérés? Crimes qui conduisent peut-être l’humanité plus lentement à sa perte, mais tout aussi sûrement que le ferait un nouveau conflit nucléaire mondial?

Ce spectacle n’aurait, certes, rien changé à la suite des tristes réflexions qu’il nota dans son Journal ce même 22 octobre 1942:

«Les êtres que nous sommes, si prodigieusement doués au point de vue intellectuel, sont peut-être, comme les gigantesques dinosaures, destinés à disparaître de la surface de la Terre. Des êtres dépourvus d’instinct de conservation, de sens moral et doués d’une intelligence hypertrophiée, sont aussi incapables de survivre que les animaux à sang froid de l’époque tertiaire, qui possédaient un corps de dimensions monstrueuses et un tout petit cerveau. L’évolution est loin de se faire suivant une progression continue. Elle a subi de nombreux retours en arrière. Rien ne nous garantit l’avenir de notre race.».

Un mois après avoir noté ces réflexions désabusées, le grand savant, ayant probablement été tourmenté par cette objective constatation, aboutissait à la conclusion suivante, qu’il écrivit dans son Journal à la date du 29 novembre 1942:

«La faillite de l’intelligence dans l’organisation de la vie des civilisés est évidente».

Et le lendemain, il ajoutait:

«C’est une erreur profonde de limiter l’éducation à l’ordre intellectuel».

Enfin, quelques mois plus tard, le 27 février 1943, sa réflexion s’étant progressivement approfondie, il notait:

«L’intelligence humaine, dirigée par l’esprit et les méthodes scientifiques, est, selon toute vraisemblance, capable de sauver la civilisation d’Occident.».

Hélas! Pour que l’esprit humain – source de toute conscience morale – puisse diriger l’intelligence de l’homme, il faudrait que cet intellect accepte d’obéir aux inspirations de l’esprit. Malheureusement, l’autocratisme absolu de l’intellect s’y oppose. Le développement intellectuel est en effet très activement promu par le Ministère de l’Éducation Nationale et par toutes les institutions d’enseignements, quelles qu’elles soient, tandis que la formation spirituelle et morale est de plus en plus complètement négligée et même, le plus souvent, définitivement abandonnée, voire remplacée par l’apologie du vice!

Mais sans doute est-il nécessaire, afin d’être clairement compris, de définir enfin et de façon précise ce qu’est l’esprit dans l’être humain, et d’apprendre à considérer ce qui le différencie de l’intellect. Il est en effet indispensable d’atteindre à une clarté complète sur ce sujet, puisque la dangereuse évolution de notre civilisation nous oblige à constater que c’est le déséquilibre entre les fonctions intellectuelles de l’homme, hautement développées par rapport à un développement spirituel et moral déficient, qui est la cause profonde et réelle de toutes les agressions et de tous les périls que l’espèce humaine fait courir à la nature et aux équilibres biologiques, qu’elle perturbe de plus en plus dangereusement.

En conséquence de quoi, la nature sachant très bien s’aider elle-même, comme nous l’avons constaté plus haut, les lois automatiques de la sélection naturelle vont impitoyablement éliminer du sein de l’humanité tous les éléments perturbateurs, afin de rétablir la santé et l’harmonie au sein de la Création, exactement comme ces lois le font pour n’importe quelle créature vivante. Nous verrons plus loin de quelle façon agissent leurs mécanismes, et comment nous devons nous préparer à subir cette sélection. (…)

Voici donc ce qu’est l’esprit de l’être humain, et aussi ce qu’il n’est pas.

Définition de l’Esprit

(…) L’esprit est l’essentiel dans l’homme, il en constitue le noyau autour duquel tout doit graviter. Il possède, tout comme le noyau de l’atome en physique nucléaire, l’importance fondamentale. Il est cet élément premier qui ne peut être défini que par rapport à son origine, celle-ci étant le plan spirituel, qui domine de très haut la création matérielle dans laquelle l’esprit est plongé par l’incarnation, pour son développement et son évolution vers un stade élevé de conscience de soi.

L’esprit ainsi défini est donc identique à ce que Gœthe a également nommé l’«entéléchie», ou Leibniz la «monade» (du grec «monos» = seul). Certains philosophes contemporains comme C.G. Jung, par exemple, l’ont nommé à leur tour le «Je» ou le «Moi». Des psychiatres et psychologues l’appellent «Ego» ou le «Super-Ego», d’autres l’«inconscient supérieur». Le Professeur Grasset, dans sa théorie du «double psychisme» l’a nommé le «Centre suspolygonal O». Certains hommes de science contemporains commencent à pressentir de plus en plus clairement l’existence bien réelle de l’esprit. Tel M. Louis Armand, de l’Académie Française, ancien président de la S.N.C.F. et de l’Euratom, qui écrivit les lignes suivantes dans les «Cahiers de l’Institut de la Vie» (N° 1, p. 36):

«Le problème urgent n’est pas tellement la vie au point de vue biologique, mais la vie au point de vue de ce qui caractérise l’homme, c’est-à-dire ce qu’il porte de transcendant. Ce qui est précieux, c’est le dernier support, ce qui a été ajouté au pithécanthrope.».

On peut dire également et plus simplement que l’esprit est dans l’être humain l’élément dont la conscience morale est la voix, c’est-à-dire la manifestation. L’esprit est la source de toute conscience morale. Le terme «conscience morale» était pris ici dans son acception la plus élevée.

De toute évidence, cette définition implique la transcendance de l’esprit, c’est-à-dire que son origine et sa nature se situe au-delà de la nature physique. C’est bien pourquoi nous savons que cette définition ne satisfera aucun matérialiste. Il y a peu de temps encore, matérialistes, rationalistes et positivistes n’admettaient l’existence que de ce qu’ils pouvaient voir, toucher, sentir, peser, disséquer, etc. En élargissant le champ des investigations humaines, l’invention des microscopes et des télescopes ne fit néanmoins que reculer nos limites sensorielles, sans les effacer. Les progrès de la physique nucléaire ayant montré que les structures profondes de la matière étaient proches des limites du sensible (car personne n’a jamais vu, ni touché, ni senti une particule élémentaire, bien que son existence réelle se manifeste cependant concrètement dans certaines expériences), les matérialistes ont depuis lors modifié quelque peu leurs conceptions, bien qu’ils se refusent toujours à admettre l’existence de ce qu’ils ne peuvent pas intellectuellement concevoir.

Or, comme l’esprit est un élément que sa transcendance place non seulement hors d’atteinte de leurs bistouris et de leurs instruments les plus perfectionnés, mais même au-delà de leurs facultés de compréhension intellectuelles, ils se refusent toujours à en admettre l’existence parce qu’ils ne peuvent pas intellectuellement le concevoir.

Seul l’esprit d’un être humain peut en effet percevoir et reconnaître l’esprit chez un autre homme, parce que l’esprit de chacun d’eux est de même nature que celui de l’autre. Tandis que la nature de l’intellect est fort différente de celle de l’esprit.

Les matérialistes étant des gens qui se limitent volontairement exclusivement à ce que leurs facultés intellectuelles leur permet d’étudier, il s’ensuit que, en négligeant d’utiliser les facultés de l’esprit qui est en eux comme en tout homme, ils les laissent ainsi péricliter et se rendent eux-mêmes incapables de percevoir, et même de concevoir ce qui dépasse le niveau de compréhension  auquel leur intellect est adapté. C’est pourquoi il est inutile de chercher à leur être d’une quelconque utilité sur le plan de l’esprit, puisque c’est absolument impossible à cause de la limitation qu’ils s’imposent volontairement à eux-mêmes.

Cependant, Si l’esprit humain est et restera toujours matériellement, invisible, parce que son essence est immatérielle, il n’en demeure pas moins que, de même que la trajectoire d’une particule élémentaire peut être rendue visible dans une chambre à bulles, l’existence réelle de l’esprit peut se manifester visiblement, et qu’elle se manifeste souvent, en effet, comme nous le verrons plus loin.

En attendant, il nous faut dès maintenant faire une exacte distinction entre cet esprit, qui n’est ni d’origine, ni d’essence matérielle (et qui restera donc de ce fait au-delà des limites d’investigations, même des appareils les plus perfectionnés des laboratoires), et l’intellect, qui est au contraire d’origine et de caractère uniquement matériel.

Définition de l’intellect

Contrairement à l’esprit, dont l’essence est immatérielle, l’intellect est, lui, inversement, de nature strictement matérielle, parce qu’il est en fait une élaboration cérébrale. Il a son origine et son siège dans le cortex de la masse encéphalique, située sous la boîte crânienne, depuis la région frontale jusqu’à la limite occipitale.

Depuis très longtemps déjà, on a pris l’habitude de désigner sous le nom d’esprit les facultés intellectuelles de l’être humain. Cette confusion montre bien que la plupart d’entre nous n’ont pas encore pris conscience de la réalité de l’esprit et de la grande différence qui le distingue de l’intellect.

Les neurologues qui se sont penchés sur le fonctionnement de ce merveilleux appareil qu’est le cerveau humain y ont découvert de 10 à 14 milliards de neurones interconnectés, qui semblent être le siège des renseignements constituant notre mémoire, comme les composants électroniques d’un ordinateur constituent également la mémoire de cet ordinateur.

Il résulte pour notre intellect de son origine strictement matérielle – puisqu’il est élaboré par la mécanique cérébrale – une faculté de compréhension qui est, comme cette mécanique, rigoureusement limitée au domaine matériel et terrestre. De même qu’un ordinateur ne peut répondre à des questions qu’en utilisant les multiples informations que des programmeurs ont préalablement introduit dans ses composants électroniques, de même notre intellect ne peut-il apporter une solution aux problèmes qui se posent à nous qu’en utilisant les informations expérimentales, sensorielles et intellectuelles que nous avons préalablement enregistrées en lui.

De toute évidence, la mémoire de notre intellect ne saurait répondre à ce qu’elle est par nature incapable d’enregistrer. Or, sa nature charnelle (donc immanente) rend notre intellect incapable de percevoir, et par conséquent de concevoir, tout ce qui est d’essence supérieure à la sienne (donc d’essence transcendante); en fait, notre intellect n’est pas plus fait pour enregistrer la réalité et les messages des règnes transcendantaux de la nature, qu’un appareil de photo n’est fait pour enregistrer les ondes hertziennes.

Notre intellect porte donc nécessairement en lui la limitation à laquelle est soumis, de par sa nature même, tout ce qui est charnel et physique. Ce qu’il élabore ne saurait être d’une autre nature que lui-même. Il demeure en permanence lié au genre de sa nature originelle. De même les œuvres nées de lui.

Cette limitation a pour conséquence que beaucoup de choses sont et resteront toujours incompréhensibles à l’entendement borné de cette intellectualité à laquelle nous accordons plus d’intérêt qu’à notre esprit. Ne citons en exemple que les autres dimensions de l’espace que certains auteurs nomment la «quatrième dimension» et d’autres les «univers parallèles». Or, singulièrement, c’est l’étude des mathématiques et des structures profondes de la matière, qui oblige aujourd’hui les physiciens à admettre l’existence de tels univers non-euclidiens.

Ainsi, dès janvier 1958, dans la revue intitulée «Industries atomiques», publiée par la Commission à l’énergie Atomique Suisse, le Professeur Stueckelberg écrivait les lignes suivantes:

«Il existe d’autres univers que le nôtre, qui n’ont, pour des raisons topologiques, aucun point de contact, sauf celui que l’on peut établir par ces phénomènes de télépathie que les psychologues commencent à admettre.».

Un autre physicien, le Français Jean Charon, écrivait dans un des premiers numéros de, la revue «Planète» (N° 8):

«Pour l’homme, mieux participer à l’univers consiste essentiellement à rechercher une meilleure connaissance au Réel, à faire un effort pour communier directement avec ce Réel. Il lui faut alors se diriger vers une connaissance intuitive».

Or, c’est précisément cette limitation de notre intellect à la compréhension exclusive du domaine matériel et terrestre qui nous rend incapables de reconnaître à l’aide de notre seule intellectualité quelles sont les règles morales qui sont indispensables au développement harmonieux et à la pérennité de toute civilisation.

Je me permets de solliciter ici toute votre attention. Car la compréhension de ce qui suit va vous permettre de reconnaître les causes profondes de la grave crise de civilisation que nous subissons aujourd’hui. Nous parvenons en effet à présent à l’exposé d’une notion dont l’importance est capitale.

Par une réflexion purement intellectuelle, nous sommes facilement parvenus à comprendre qu’aucune vie en société n’est possible sans  l’obéissance unanime à un certain nombre de règles que nous nommons les lois de la morale.

Cependant, l’ordre moral dont chaque pays s’est doté à l’aide de la réflexion presque exclusivement intellectuelle de ses législateurs n’est le plus souvent fondé que sur des considérations pratiques, utilitaires et d’opportunité, considérations d’intérêts que le législateur a estimé suffisantes et satisfaisantes, alors que l’histoire prouve qu’elles sont malheureusement loin de l’être.

C’est pourquoi les règles morales diffèrent tellement d’un pays à l’autre. Ce qui est considéré comme juste et bien dans un certain pays, est souvent catégoriquement condamné dans le pays voisin. Dans un même pays, les conceptions morales changent même d’un régime politique à un autre, et encore bien plus d’une époque à une autre.

C’est précisément parce qu’il y a si peu d’unité dans les normes morales des différents peuples du monde que, de nos jours, la plupart des gens en sont venus à considérer toute morale comme arbitraire, à n’accorder aucun crédit à aucune règle morale, et à les rejeter toutes catégoriquement. Ce qui ôte à l’être humain tout appui intérieur, et le rend semblable à un bateau ivre, parce que sans gouvernail!

Cette absence d’unité dans les conceptions morales des peuples de la Terre, et entre leurs législations respectives, provient du fait que, jusqu’à présent, aucune société ou civilisation ne s’est doté de lois et de règlements véritablement inspirés par l’esprit de ses législateurs. Les lois des sociétés humaines ont toujours été dictées par des considérations d’intérêt de nature presque exclusivement intellectuelle.

Or, la seule loi morale capable d’assurer l’épanouissement harmonieux et durable de toute civilisation ne peut être dictée que par l’esprit humain, dont les motivations échappent et échapperont toujours à l’entendement intellectuel, parce que l’intellect humain n’est adapté qu’à la perception des valeurs matérielles.

Par exemple, personne ne peut intellectuellement comprendre pourquoi, lorsque l’esprit est en nous vivant et éveillé, il nous enjoint d’aimer notre prochain et même d’aimer nos ennemis. Intellectuellement considéré, cet ordre de l’esprit d’aimer nos ennemis est, en effet, aberrant! Car il va de soi que si nous ne courrons que peu de risques, il vaudrait logiquement beaucoup mieux les supprimer tous. Qui ne voit que c’est de cette façon que raisonne aujourd’hui un grand nombre d’hommes du haut en bas de l’échelle sociale?

Pourtant, aimer son prochain, faire du bien à ses ennemis constitue précisément une des exigences fondamentales de cette loi morale inspirée par l’esprit; de cette loi morale à laquelle nous avons encore si peu obéi parce que, en nous appliquant à développer sans cesse et toujours davantage uniquement nos facultés intellectuelles (qui en sont devenues immensément puissantes), nous laissons inversement péricliter nos facultés spirituelles supérieures. Il s’ensuit que celles-ci sont aujourd’hui devenues si faibles qu’elles sont incapables de ne déterminer aucune de nos actions.

Devant l’image sans cesse plus chaotique que présente le monde contemporain, certains hommes de science et de technique – et non des moindres – en sont venus à reconnaître non seulement les limites de l’intelligence, mais surtout l’importance fondamentale des valeurs spirituelles. Voici ce qu’écrivait le père de la bombe atomique américaine, Robert Oppenheimer:

«Des phrases comme «Aime Ton prochain» ou «Connais-Toi Toi-même» ne sont pas objectives au sens où nous employons ce terme en science. Cependant, il est de première importance pour la santé d’une société et d’une culture qu’elles n’appartiennent pas à la subjectivité d’une élite, mais que ces phrases aient au contraire une signification pour tous les hommes.».

«C’est pour moi une source d’angoisse de voir s’émousser la tradition humaniste commune à toute une civilisation, à mesure que se développe le progrès scientifique et que foisonnent les problèmes nouveaux. Notre tradition commune, notre morale commune; notre vision commune de la liberté et de la dignité humaine sont érodés par les changements qui surviennent dans les institutions, les formes de nos sociétés, par l’explosion brusque des connaissances et des techniques.»

«Je vois, par exemple, avec consternation que, lorsque nous abordons les questions relatives au développement d’un super armement, les ressorts de notre attitude humaniste traditionnelle ne jouent plus, ou presque plus.»

«Je le dis, nous nous sommes appauvris sur les plans élevés, ceux de la spiritualité, d’où un homme tire sa vraie force et sa vraie perspicacité. Et, cependant, qui de nous n’a soif de noblesse? Qui de nous n’a soif de ces paroles hautes et rares, et de ces faits plus rares encore, à travers lesquels la simplicité s’harmonise avec la Vérité?».

Longtemps avant que ces lignes soient écrites, le biologiste français Pierre Lecomte de Nouy – qui, de 1920 à 1927, travailla comme membre associé à l’Institut Rockefeller de New York; puis de 1927 à 1937 à l’Institut Pasteur, où il dirigea une importante section de biophysique, avant d’être nommé directeur à l’École des Hautes Études, à la Sorbonne – Pierre Lecomte de Nouy avait déjà fait observer dans son ouvrage capital intitulé «L’homme et sa destinée»:

«Nous savons maintenant que l’intelligence, faute d’être contrôlée par une force morale, peut se retourner contre elle-même et détruire l’homme.

Et encore:

«L’intelligence est dangereuse quand elle n’est pas soumise à la perception intuitive des valeurs morales.».

Beaucoup plus récemment, le célèbre aviateur Charles Lindbergh, qui, en 1927, traversa le premier l’Atlantique en avion, et devint par la suite un ami d’Alexis Carrel, écrivait dans un article paru dans le numéro de «Sélection» de mai 1970, et intitulé «Pitié pour la Nature!»:

«Je suis obligé de reconnaître que l’importance exagérée donnée à la science débilite le caractère de l’homme et bouleverse profondément l’équilibre de la Vie.» (…) «Je me demande ce que l’intelligence a fait pour justifier son prestige. L’homme est, de tous les animaux, le plus malpropre, le plus destructeur et le plus inadapté: son dossier lui donne peu de raisons de s’enorgueillir. Notre actuelle supériorité intellectuelle n’est pas une garantie de sagesse ni de survie. L’Homo sapiens n’est peut-être qu’un rameau exagérément spécialisé du tronc de l’évolution.».

À la question que se pose ici Charles Lindbergh, Camille Arambourg, un des plus grands paléontologistes français, qui fut professeur au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris avant de disparaître en 1969, n’hésite pas à répondre affirmativement à la fin de la conclusion de son ouvrage intitulé «La genèse de l’humanité» (*)[5]. Il termine en effet son livre sur cette dernière phrase, lourde de sens:

«Enfin, une grande loi paléontologique nous apprend aussi que l’excès de spécialisation – en l’occurrence, chez l’homme, la spécialisation cérébrale – après avoir favorisé le développement d’une espèce et sa pullulation, amène finalement sa disparition définitive.

On voit donc que le développement intensif et unilatéral de l’intellect auquel procède l’instruction publique obligatoire, à l’exclusion de toute culture de l’esprit, provoque et aggrave dans l’être humain un déséquilibre sans cesse plus profond et toujours plus dangereux. Le comportement d’une majorité écrasante de nos contemporains en est une preuve indéniable. Car l’être humain n’est pas seulement doté d’un intellect qu’il lui faut évidemment développer, mais il est surtout et avant tout esprit. Et, parce que cet esprit que nous laissons complètement péricliter en nous est même l’essentiel, le noyau de notre être, il devrait dominer l’ensemble de la personne humaine, y compris la personnalité intellectuelle.

Comme nous l’avons déjà constaté au cours du premier cycle de nos conférences, c’est donc le déséquilibre entre nos fonctions intellectuelles hypertrophiées et nos fonctions spirituelles atrophiées qui est la cause profonde de la crise de civilisation qui fait rage, sous nos yeux.

– Jean Choisel – « Le Grand Virage » –

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