COMPORTEMENTS D’ACHAT
Achats stimulés (influencés) ou motivés?
La publicité, un fléau ou un phénomène culturel?
«La publicité est un « art » sans la finalité de l’Art.»
Qu’est-ce que la publicité? Elle est, par définition, le caractère de ce qui est public et publié. Elle regroupe, en ce même vocable, deux notions différentes qui se rattachent à la même finalité, la communication:
- L’information, qui est concrète, factuelle, objective et qui n’influence pas le lecteur, mais délivre au public un message simple et concis.
- La persuasion, qui vise à utiliser des mécanismes psychotechniques pour influencer le comportement du consommateur en vue de l’inciter à acheter le produit promu, le guider sans réflexion nécessairement rationnelle, c’est-à-dire le conditionner pour le rendre dépendant.
Les méthodes de conditionnement sont nombreuses, dont en particulier celles expérimentées au milieu du 20ème siècle par le chercheur Ivan Pavlov qui a donné lieu au célèbre «réflexe du chien de Pavlov», qui parvient, avec le concours de stimuli sonores ou visuels, à faire saliver un chien avant même qu’on lui porte son repas.
Outre les méthodes de conditionnement usitées par la publicité, il existe des méthodes similaires au sein même de l’entreprise. Elles visent, dans le but d’augmenter la rentabilité, à utiliser des techniques managériales selon des processus psychologiques émanent du célèbre «Institut Tavistock», basées sur la domination par la peur…
Ainsi on peut décliner l’«intention publicitaire» en quatre phases (A.I.D.A.):
- Attirer l’Attention le stimulus a fonctionné: le futur client est attiré par quelque chose
- Susciter l’Intérêt pour le produit: le futur client est ferré
- Provoquer le Désir d’acheter: le futur client se transforme en acheteur
- Finaliser l’Achat: le futur client devient client et propriétaire de son bien!
… Et la mise en condition quasi pédagogique du badaud a parfaitement fonctionné!
Notre société, dont le moteur est le progrès et la croissance, a fait de la pub’ un vecteur culturel à part entière, une sorte d’œuvre d’art vivante et mobile, aujourd’hui en compétition dans des concours télévisuels! Car le message en filigrane est bien celui-c: consommez! Ou plutôt surconsommez! C’est devenu plus qu’une injonction, c’est une exhortation…
Il faut du progrès à tout prix! Mais on peut progresser de deux manières: vers le haut ou vers le bas, selon son choix. Or, au point où en sont les choses à présent, c’est vers le bas que l’on se dirige à une allure inquiétante.
Surconsommer est devenu une fin en soi et l’économie de marché une idéologie. Acheter à tout prix est devenu un mode de vie, un mouvement culturel qui esquive les angoisses profondes de l’homme qui satisfait, de manière rituelle, son égo, au dépend des valeurs spirituelles. La surconsommation, véhiculée par le «fléau pub’», aspire l’homme vers un luxe éphémère, vers des dépendances de toute nature créées par la multiplicité des produits, rendant ainsi l’acheteur insatisfait qui en veut toujours plus. Quels sont les gouvernements qui, depuis les deux derniers grands conflits mondiaux, n’ont pas exhorté le peuple à consommer, contracter des crédits qui rendent encore plus dépendant, à se ruer vers le confort et la facilité, à disposer d’un computer ou d’une télévision pour chaque occupant du foyer familial…
Alors on a vu apparaître l’ère du gadget, de l’inutile et du gaspillage, devenus normatifs, à l’image des parfums pour chiens! Et les hommes de «marketing» se plaisent à définir le mot gadget ainsi: «Le gadget? Parfaitement inutile, donc parfaitement indispensable!»
La publicité fait partie intégrante de notre vie: spots publicitaires, affiches sur la voie publique, bandeaux sur Internet, courriers électroniques (spam), sponsoring, parrainages, prospectus, encarts dans les journaux… En 2002, un parisien aura capté 1500 annonces publicitaires par jour, visuelles et sonores. Un américain aura vu, à l’âge de 18 ans, 800 000 spots publicitaires! Il semblerait que 16% de ces «informations» soient enregistrées par le cerveau et aurait une action directe sur notre comportement, notre attitude et notre conduite. C’est en cela que l’on peut qualifier le «tsunami pub» de fléau dont on peut déjà avancer la thèse selon laquelle il agit sur notre libre choix!
Ces informations s’enregistrent elles-mêmes dans les cellules du corps physique qui se soumettent inconditionnellement et font d’une information une croyance. Et l’homme, qui a fait sien tous ces programmes étrangers et artificiels (la politique, la religion, la culture…) en acceptant toutes ces normes, fait de sa pensée un produit intellectuel dépendant de tous les filtres que constituent le cerveau.
La publicité, devenue le premier des médias, utilise des symboles culturels, la publicité influe sur notre culture, la publicité est partie intégrante de notre culture! Elle utilise des codes visuels, sonores, linguistiques, gestuels et rituels qui sont empruntés aux grands courants sociétaux.
L’achat est-il conscient?
La publicité, qui tend comme un élastique les valeurs du matérialisme, entre et fouille dans tous les recoins (les niches) de notre vie privée et publique, prétendant insidieusement nous apprendre les vraies valeurs du bonheur.
Ainsi, le consommateur est épié par une kyrielle de spécialistes: dans les hypermarchés où des vitres sans tain sont équipées de caméras pour filmer l’iris de l’œil du client afin de savoir vers quelle destination va son attention. Les marchés sont tellement segmentés que l’on déploie une énergie folle pour «fidéliser» sur du long terme. Le «marché» de la jeunesse, dans toutes les strates de nos sociétés, suscite l’intérêt le plus vif, car l’enfant se fond très tôt dans le «collectif», simplement par besoin d’appartenance à son groupe social, culturel, ethnique ou sportif, ce qui implique déjà un conflit (dissonance cognitive), c’est-à-dire comment appartenir à un groupe tout en étant distinct par rapport à ce même groupe, ce que le publiciste maîtrise parfaitement, avec cette pub’ exemplaire des vêtements Célio: «Célio, la mode on s’en fout!».
Créer une mode pour la jeunesse est chose facile: il suffit de déterminer qui sont les enfants «leaders» dans une école ou un collège, de faire tester une nouvelle gamme de vêtements avec l’accord des parents flattés que leur enfant ait été sélectionné, sachant que les enfants «suiveurs» vont mordre! Car ces enfants vont s’identifier au «chef», dont le rang social est immédiatement «supérieur». L’«enfant pub’» d’aujourd’hui, conditionné, formaté par la norme, devient le destructeur de demain. Souvent privé de toute morale, de faculté de décision et d’affection, il se laisse conduire par les mirages de la publicité qui guident sa jeunesse et qui pensent pour lui.
Abraham Maslow, célèbre psychologue américain (1908-1970), connu surtout pour son explication de la motivation par la hiérarchie des besoins (la pyramide des besoins), classe ces motivations en fonction du développement psychologique de l’individu et de l’importance relative des besoins.
Ainsi viennent en premier lieu les besoins physiologiques, puis les besoins de sécurité et ensuite d’appartenance au groupe, d’estime et de reconnaissance et enfin d’accomplissement et de réalisation.
La pub’, maître dans l’art du camouflage de la psychologie humaine, est un programme agressif qui fonde son idéologie sur les trois grandes peurs – il y en a bien d’autres qui prennent racines en elles! – qui modifient la psyché humaine et interpole et affaiblit la capacité à prendre des décisions, à réagir et à se déterminer:
- La peur du manque, matériel et affectif, ciblant les instincts de propriété et de sécurité, entrainant des achats de survie (alimentation, assurances vie, alarmes, armes, etc…)
- La peur de la mort, avec leurs corollaires le vide, le néant, l’avenir, l’au-delà, entrainant l’achat de produits chimiques salvateurs (anti-vieillissants…), pour refouler au loin l’échéance incontournable de la mort sans la comprendre.
- La peur de l’opinion des autres, du jugement d’autrui, Entrainant des complexes, de la susceptibilité et du doute. Cela favorise des achats «existentiels», tels des automobiles hors standard ou des vêtements que l’on remarque.
La publicité sous-tend une idéologie sociétale visant à semer la confusion dans nos propres valeurs: si le bonheur individuel passe par la possession de gains matériels encore plus grands, la société ne se trouvera jamais. Les spécialistes du conditionnement, connaissant parfaitement nos manques affectifs et spirituels, notre insatisfaction et notre vide intérieur, vont faire du consommateur un cobaye en agissant sur nos ressorts psychologiques (pulsions, affects et tendances), façonnant ainsi notre futur comportement.
Nos automatismes acquis, nous répondons aux injonctions des maître-mots de la pub’: «nouveau!» ou… «de père en fils depuis 1880», «300 000 exemplaires vendus en un mois!», ou encore «incroyable» et «derniers jours», etc…
Alors notre fragile architecture pavlovienne cède à toutes ses pressions extérieures car c’est la masse (la statistique) qui pilote! L’homme entre dans le grand moule parqué par la norme, influencé par les grands courants culturels et politiques, les sondages, les «penseurs du club de la presse» et les modes et qui mettent en scène des idoles formatées, véritables demi-dieux, faisant que l’acheteur fusionne avec elles; Car se reconnaître au travers de l’idole nécessite moins d’effort que de se connaître…
Mécanisme du comportement d’achat d’un consommateur
- Une femme se promène dans une rue piétonnière chic d’un beau quartier.
- Ses yeux se détournent et s’accrochent, vers une boutique de luxe, sur une magnifique paire de chaussures de soirée rouges à talons aiguille.
- Mise en route du «programme» visant à l’achat. L’accroche est le stimulus.
- Déclenchement du plaisir de voir: création d’un nouvel univers ; ambiance de la rue huppée, qualités visuelles de la boutique, élégance d’une vitrine feutrée, éclairage tamisé, choix des modèles ; la femme se trouve dans un autre monde, Des images se collent aux chaussures: une robe de soirée, une salle de danse au parquet verni et aux lustres scintillants, une valse de Strauss, des serveurs offrant des coupes de Champagne, bref, une ambiance magique …
- Le «programme» fonctionne: la paire de chaussures n’est plus isolée, elle se place dans un contexte intemporel, et la synesthésie (interactivité des sens) fonctionne. Un univers parallèle se crée dans lequel l’inconscient place tous ses désirs…
- L’envie se déclenche, celle de posséder ces chaussures, ce qui crée une tension, comme un désir à assouvir sur le moment, avec le sentiment de vouloir appartenir à un groupe de rang social plus élevé.
- Intervient alors l’affichage du prix et le mécanisme du conflit se met en place: – «elles sont très belles, je les désire!», «mais elles sont trop chères pour moi!»; Dans le premier cas, la motivation est très forte, dans le second, le frein relatif au prix bloque le désir d’acheter.
- Place alors au libre choix avec l’analyse de la situation: l’achat est-il rationnel, utile, urgent, impératif? Répond-t-il à un besoin sincère et fondé?
Claparède, dans l’antiquité, confirmait que «le besoin est toujours la manifestation d’un déséquilibre», constat parfaitement repris et exploité par les publicistes…
- Puis vient le temps de la délibération, qui va entraîner une décision menant à une action : soit un achat immédiat qui va redonner au produit toute sa valeur intrinsèque et extrinsèque (achat totalement réussi et sans remords), soit le report de l’achat, ce qui va faire perdre une partie de l’aura de l’article, soit l’abandon définitif du projet, ce qui va créer une frustration, qui fera envisager un produit substitut.
À bien y regarder, trois mots communs à «l’intention publicitaire» se cachent insidieusement derrière ce «fléau pub’», présent en filigrane sur toutes les affiches et dans tous les spots télévisuels: le pouvoir, le sexe et l’argent (voir en fin d’article).
Oserions-nous dire que la pub’, au nom de la sacro-sainte doctrine de la croissance, exploite tous les recoins de notre inconscient, de notre intimité, comprend et anticipe nos réactions, déclenche nos plus basses pulsions, exacerbe nos vils instincts de domination? Se positionnerait-elle comme une Circé tyrannique qui exacerbe nos faiblesses et se positionne en thérapeute pour nous offrir un produit salvateur?
Le principe du défoulement, conséquence naturelle du principe de la tentation, n’est pas sans contribuer dans une large mesure à cet anéantissement. Vivre sans frein est le propre des régions inférieures des ténèbres. Cela fût cependant déjà adopté sur terre par diverses personnes qui pratiquent ce qu’il est convenu d’appeler la psychanalyse. Ces dernières supposent, en effet que, sur terre également, le défoulement permet de mûrir et de s’affranchir.
La femme, otage de la publicité?
«Qu’est tu devenue, ô femme, toi le joyau de la création?»
Si l’enfant est garant du chiffre d’affaires de demain, la femme impudique (ci-dessous), quant à elle, est devenue, en vendant ses charmes, le pilier de ce monde en involution: un simple objet de convoitise, de désir, de sensualité et de séduction, présent dans toutes les strates de la communication publicitaire: la mode, les parfums, l’automobile, l’alimentation, le foyer familial, etc…
Impudique, illusoire, elle récupère à elle seule toutes les faiblesses humaines, perdant de fait ses facultés intuitives et son pouvoir illimité qui pourrait lui permettre de s’épanouir pleinement. Esclave de la mode, joyau de la pub’ qui lui vole son âme, elle se vautre, hélas, dans la fange de la sensualité, entraînant par là même, l’ensemble de la société.
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Commencer par boycotter toute forme de publicité, à la télévision ou dans les magazines, est déjà une protection permettant d’éviter d’être confronté à ces images qui mettent la femme en position de proie.
L’avoir et le paraître… L’illusion du superflu égoïste…
Mammon, la gangrène qui envahit le monde. Il serait grand temps de se réveiller!
Et dire que tout a été prévu du départ pour que nous ne manquions de rien d’essentiel à nos vies sur Terre. Et pourtant!
Comportements d’achat – Achats stimulés (influencés) ou motivés?
Une véritable épidémie, cette publicité!
Et ainsi on exploite la planète sans vergogne pour des abrutis et pour conduire en esclavage ces êtres humains en quête de sensationnel et de « bonheur ».
Nous sommes, aujourd’hui, pratiquement tous victimes de ces stratagèmes insufflés par les ténèbres et mises en route à notre intention par leurs meneurs terrestre qui sont: intellect et sentiments.